RÉCITAL – Mozart / R. Strauss : sur le papier, le programme du récital de Sabine Devieilhe et Mathieu Pordoy n’était pas une invitation à sauter au plafond. Sans connaître les trésors de sensualité et de brillant que ces partitions choisies cachaient, on y est allé quand-même, séduits par la promesse de retrouver une voix familière, qui nous a déjà tant donné. Comme quoi, c’est quand on s’y attend le moins…
Il est de ces concerts où l’on va sans grande conviction, presque prêt à s’y ennuyer, peu inspiré par le répertoire peut-être. C’était notre cas en arrivant dans cet auditorium timidement rempli, munie de deux places dernière minute. Est-ce l’art du récital qui échappe, ou l’absolue perfection mozartienne qui ennuie ? Toujours est-il que seule la perspective d’une technique lyrique irréprochable sut éveiller notre curiosité. On y allait presque à reculons…
Et pourtant !
Après une entrée en matière un peu attendue dans un bois finalement pas si solitaire, Sabine Devielhe nous prend par la main et nous entraîne dans un doux voyage. Prévisible, mais pas moins agréable. D’aucuns la diraient distante, voyons là plutôt de l’élégance.
La grâce d’un verre de champagne, aux fines notes boisées : délicatesse absolue pour un début de soirée d’été. Et le talentueux Mathieu Pordoy vient compléter ce tableau de la plus belle des manières, avec un jeu qui conquérerait même le dernier des mélomanes, s’il s’y laissait prendre.
Réveil nocturne
D’une esthétique jusque là plutôt uniforme, le duo s’éveille enfin, et nous emmène planer avec eux dans une valse virtuose, en guise de mise en bouche de cette deuxième partie : premier cocktail du jour. Et là enfin, on retrouve la Sabine Devielhe qu’on était venus voir. Une agilité exceptionnelle, un geste vocal parfaitement précis et contrôlé, le tout assaisonné d’une douce facétie : le mélange est parfait, la salle est conquise et les sourires flottent.
Puis, lentement, en parfaite antithèse aux amours douces et légères auxquelles elle nous avait presque habituée, Sabine prend peur, et la nuit menace. Les yeux se ferment, la salle est pendue à ses lèvres. L’individu n’existe plus, le public respire de concert, et ne se relâche qu’après les dernières notes du piano. Instant de grâce logé au chaud entre les piani étourdissants de Devielhe et le doigté délicat de Mathieu Pordoy, il se joue un doux prélude à la nuit, empreint de sensualité et d’émotion.
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La nuit porte conseil
Et soudain, Mozart, et ses épuisantes cadences, qui nous sortent brusquement de cet enchantement, étonnamment rejoint par Stauss, pour un finale venu trop fort, trop tôt. Qui l’eut cru ! Pourtant si peu convaincus de prime abord, on aurait pu en écouter une heure de plus. Malgré une petite retenue face aux rengaines mozartiennes, on sort satisfaits, notamment grâce à deux rappels excellents, parfaits dialogues entre une main droite presque soliste, à l’exception de quelques accords tout juste déposés sur le clavier, et une voix d’une précision exceptionnelle, contre-chant délicat, joyeux et surtout infiniment virtuose.
Demandez le programme !
- W.A. Mozart – Dans un bois solitaire et sombre
- R. Strauss – Mädchenblumen, Lieder op.22
- R. Strauss – An einsamer Quelle op9 n 2 extrait of StimmungsBilder (piano solo)
- W.A. Mozart – Ah vous dirais-je maman K265
- W.A. Mozart – Abendempfindung K523
- W.A. Mozart – Oiseaux si tous les ans K307
- W.A. Mozart – An Chloe K524
- R. Strauss – Ich wollt ein Sträusslein binden, op.68 n.2
- R. Strauss – Ich Schwebe op.48
- R. Strauss – Die Nacht op.10
- W.A. Mozart – Rondo in D-major KV485 Mozart
- R. Strauss – Allerseelen op.10
- R. Strauss – Nichts op. 10
- W.A. Mozart – Nehmt meinen Dank K383
- R. Strauss – Kling op.48 n 3