Sexy saxo !

FESTIVAL – Ils sont quatre jeunes virtuoses, engagés à transmettre leur passion pour la musique. Le quatuor barcelonais Kebyart sort de l’ordinaire. Leur instrument de prédilection ? Le saxophone. Au long d’un programme varié, Pere Méndez (sax. Soprano), Víctor Serra (alto), Robert Seara (ténor) et Daniel Miguel (baryton) explorent les sonorités et possibilités de cet instrument, au festival Peralada.

C’est un programme inattendu que propose ce soir le quatuor Kebyart. Plusieurs époques sont convoquées : baroque, avec Jean-Sébastien Bach et Jean-Philippe Rameau, moderne (mais d’inspiration ancienne) avec le Tombeau de Couperin de Maurice Ravel, contemporaine enfin avec deux œuvres surprenantes, 7 capricci de Jörg Widmann, composés spécialement pour Kebyart en 2021 et Sólo el misterio de Joan Pérez-Villegas, à la mémoire de Federico Garcià Lorca. Le concert se déroule en deux parties, dans deux lieux différents : l’église del Carme et les jardins du vignoble de Peralada. Un lien thématique peut-être fait : la première partie est plutôt dédiée à la musique baroque, la seconde plutôt à l’évocation de la nature, en accord avec le cadre en plein air.

Classique so Saxo

Dès les premières notes de Rameau, la magie se crée. L’arrangement de Kebyart fonctionne bien, soulignant l’harmonie en contrepoint main droite/main gauche, ici incarnées par les saxophones soprano et basse, le premier dans un joyeux babil lumineux, le second dans un contre-chant expressif. Alto et ténor sont cantonnés à harmoniser les deux autres voix. L’homogénéité des timbres est parfaite, dans un ensemble solaire et chaleureux, un peu lisse peut-être. En contrepartie, on perd la vélocité fiévreuse et les attaques percussives du clavecin.

L’effet est tout autre sur les quatre chorals de Bach. Le saxophone ayant été créé pour imiter la voix humaine, la transposition ne pouvait pas sonner à contre-emploi. Le saxophone soprano est tout à son avantage dans les longs phrasés langoureux, qui évoquent la clarinette, en plus chaud. Alto et ténor ressortent un peu plus sur cette deuxième pièce, le premier avec un timbre mélancolique, le second avec une vigueur de cuivre. Les intervalles de seconde ponctuent l’harmonie, comme des éclats d’émail du plus bel effet. Ils sont là, les « miroirs dorés » (Miralls daurats).

© Miquel Gonzalez

Le Tombeau de Couperin laisse sans doute une impression plus mitigée. L’interprétation n’est pas en cause : elle est soignée, sentie. La virtuosité des quatre interprètes est remarquable. Sur le prélude, les phrasés papillonnants évoquent curieusement un son d’accordéon. Pour autant, la transposition ici ne restitue ni la diversité de timbres de la version pour orchestre, ni l’intimité de la transposition pour piano. Mais bon, on savait ce qu’on allait écouter !

Des papillons dans le ventre…

La seconde partie du programme réserve par chance de belles surprises, notamment avec les pièces suivantes de la suite en mi mineur de Rameau. Le son des saxophones se prête particulièrement bien au Rappel des Oiseaux. Les trois autres morceaux présentent des sonorités de musique traditionnelle française. L’arrangement de Kebyart leur donne un véritable ton de fête populaire, sur un bourdon de quinte du saxophone baryton, habile à imiter une cornemuse puis une guimbarde, probablement à l’aide d’un mouvement de langue sur l’attaque des notes.

Le saxophone apparaît comme un instrument aux multiples possibilités sonores, dimension que va largement démontrer la pièce suivante, 7 capricci du clarinettiste et compositeur Jörg Widmann. Des glissendi jazzy aux barrissements et cliquetis de clés façon « musique concrète », en passant par une polyphonie éthérée sur des longs phrasés ondoyants, chacune des courtes sections est un morceau de bravoure. Le dernier des sept capricci est une fanfare de cirque, espiègle et sautillante. Le rythme accélère frénétiquement jusqu’à la folie finale, coupée d’un accord net que le public applaudit à tout rompre.

© Miquel Gonzalez
Une fin muy caliente

La fantaisie Sólo el misterio de Joan Pérez-Villegas, inspirée de trois Chansons Populaires anciennes de Lorca, est un long poème mélodique aux accents de musique andalouse, tantôt d’une tristesse crépusculaire, tantôt dansant sur des rythmes de flamenco. Les musiciens sont même amenés à lâcher leurs instruments pour frapper des mains et des pieds.

À lire également : Saxophone : le quatuor Ellipsos fait revivre Fernande Decruck

En guise de bis, une variation à quatre voix sur le thème de Summertime, où les quatre musiciens peuvent laisser libre-court à leur technique jazzy, en blues notes languissantes. Une autre surprise attend ensuite le public, concoctée par les sommeliers du Château de Peralada : une dégustation de fromages des quatre pays présentées durant le concert (la France de Rameau, le Pays basque de Ravel, l’Allemagne de Bach et bien sûr l’Espagne de Lorca), le tout agrémenté de vins du cellier de Perelada. Vous l’aurez compris : on s’est régalés…

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