LIVRE – Dans Le dernier été de Gustav Mahler, son 8ème roman publié aux éditions du Cherche Midi, Laurent Sagalovitsch confronte le compositeur à son épouse bien aimée Alma, mais aussi à l’amant de cette dernière l’architecte Walter Gropius. Cette farce dramatique et cet adultère en forme de trio amoureux conduiront au dépérissement accéléré et à la mort de Mahler quelques mois plus tard.
Été 1910
Comme chaque été depuis la mort subite de leur fille Maria (dite « Putzi »), Gustav Mahler, son épouse Alma et leur seconde fille Anna (dite « Gucki ») se sont réfugiés dans une maison tranquille au beau milieu des Alpes. Loin des lourdes obligations et des opportuns qui l’assaillent, Mahler peut travailler à ses dernières symphonies dans la cabane isolée qu’il s’est fait aménager au fond des bois. Mais lors d’une cure thermale, Alma a fait la rencontre d’un séduisant et fringant jeune homme, Walter Gropius futur fondateur du mouvement Bahaus. Dans ses bras, Alma qui a tout sacrifié à son époux (y compris la composition), renaît à la vie et à l’amour. Frustrée par sa condition d’épouse, Alma reste partagée entre ces sentiments nouveaux et brulants et son attachement à un mari célèbre, de plus de vingt ans qu’elle.
Trio en lutte majeure
Walter Gropius la couvre de lettres d’amour. Par erreur (ou pas ?), il en adresse une directement à Gustav Mahler. La boulette… Le drame se noue en cet instant précis. Le désespoir de Mahler, qui voue un amour total et aveugle à Alma, est parfaitement traduit par l’auteur. Laurent Sagalovitsch, dans ce roman en quatre parties ou plutôt en quatre mouvements, excelle à décrire la situation, mais aussi la vie et l’ambiance de tous les jours en dehors de cette période de crise. Mahler est hypocondriaque, angoissé parce que juif dans cette période trouble ; Alma, elle, s’enferre dans une ambivalence maladive. Le trio se retrouve enfin dans cette maison de campagne et les deux hommes s’affrontent pour Alma qui doit choisir : Gustav ou Walter ? On est sympa, on spolie pas…
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Et la musique dans tout ça ?
Bien entendu, l’amour porté par l’auteur à la musique de Mahler surgit à de nombreux moments du livre, sans qu’il ne cherche pour autant à l’analyser en détail, parce que ce n’est pas vraiment le but. Le roman se termine intentionnellement de façon abrupte par le retour de Gustav Mahler d’une consultation auprès de Freud, et son décès soudain le 18 mai 1911 à Vienne à l’âge de 51 ans. Alma pour sa part, au terme d’une une nouvelle liaison avec le peintre Oskar Kokoschka, finira par épouser Walter Gropius en 1915. Sa vie ensuite sera éminemment mouvementée voire romantique comme elle le souhaitait ! Laurent Sagalovitsh livre un roman d’une belle finesse psychologique mettant en avant un couple hors du commun et un homme qui marquera tout comme Mahler, la culture germanique de sa forte empreinte.