CONCERT – Ce jeudi 26 septembre, l’orchestre Philharmonique de Radio France et son chef Dima Slobodeniouk nous donnaient rendez-vous pour la première partie d’une intégrale des concertos de Rachmaninov, exécutée par Mikhaïl Pletnev.
Les nostalgiques des JO n’avaient qu’à bien se tenir, puisque la légende du clavier donnait ce soir-là le coup d’envoi d’un vrai marathon. Quatre grandes étapes: les Concertos 1 & 2 pour la soirée du jeudi 26, et les Concertos 3 & 4 pour le lendemain. Non pas 42 kilomètres, donc, mais 120 minutes de très belle musique.
Rach 1 & 2
Les gradins de l’Auditorium de la Maison de la Radio s’étaient remplis pour l’occasion, et l’on attendait avec impatience le top départ. Son arrivée sur la piste fit donc grande impression : drapé dans un pantalon et une chemise noirs, l’allure digne et le geste serein, Pletnev s’installait devant son instrument et donnait au bout de quelques brefs instants les premiers coups de clavier. De ce geste découlèrent tous les autres, minimalistes, économes, si bien mesurés qu’ils faisaient oublier la difficulté de ces deux premiers concertos.
Car si le talent de Pletnev n’est plus à démontrer depuis longtemps, la simplicité délicate qui émane de son jeu est, elle, toujours déconcertante : un jeu sans mièvrerie, sans lyrisme outré, une modestie accablante et ciselée, une application minutieuse et subtile, sans effusion ni raideur. Au cours de la soirée, le soliste n’a jamais l’air fatigué ; il ne paraît même pas toucher le piano, mais l’effleurer, lui souffler ses intentions dans un murmure – exécutant avec flegme les traits qui se succédaient.
Concertos déconcertants
La mise en série des deux œuvres ne doit pas effacer leurs différences. Le Concerto n°1 en fa dièse mineur, op.1, si dense et insaisissable, se donne moins facilement à l’écoute que le Concerto n°2 en do mineur, op. 18, plus évidemment lyrique et voluptueux. Dans les deux cas, Pletnev impose ses tempi et son phrasé, opposant aux élans passionnés de l’orchestre la minutie implacable de son jeu, et cette retenue éloquente dont il a le secret. Il donne un spectacle imperturbable et grandiose, articulant avec autant d’élégance le thème du Vivace dans le premier concerto que les cadences suspendues du deuxième.
À tout seigneur, tout honneur : soulignons la grande intelligence de la direction de Dima Slobodeniouk, qui a mené avec précision la masse orchestrale dans l’intrication complexe des voix du premier concerto. Saluons également la grâce des bois dans l’Adagio sostenuto du deuxième morceau.
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Une fois les cascades de notes épuisées et les thèmes grandioses évanouis, notre homme quitte son clavier. Il y revint brièvement, livrant au public deux rappels, dont il s’acquitte là encore avec une sérénité malicieuse. Puis il fait un bref salut, et sort pour de bon, cet étrange athlète capable de remuer un stade sans verser une goutte de sueur.
Un concert à retrouver dès maintenant sur le site de France Musique