Et Barbara à la barre, barra

CONCERT – Le Pilhar de Radio France avait rendez-vous avec Barbara Hannigan ce vendredi soir. Pour chanter avec eux ? Non : pour les diriger ! Dans un programme Ligeti-Stravinsky, dont la star n’est peut-être pas celle qu’on croit…

Ce n’est pas nouveau : Barbara Hannigan aime être au pupitre. Depuis que le grand public l’a découverte dirigeant Gershwin et Kurt Weil devant l’Orchestre de l’Opéra de Lyon aux Victoires de la Musique Classique en 2018, on avait pris l’habitude de la voir aux commandes d’orchestres, dans une démonstration spectaculaire : diriger et chanter en même temps. La frime ultime !

Muse-icienne

Ce soir à l’Auditorium de Radio France (retransmis en direct sur France Musique, à retrouver ici), Barbara est restée muette. Pas un son n’est sorti de sa bouche. Enfin si, au début de la soirée, quand elle prend le micro pour présenter le programme, en français dans le texte ! Elle nous raconte comme elle a ouvert la partition que Ligeti avait composé pour elle, et on y apprend le rapport privilégié qu’elle a avec la création et la musique du XXème. Barbara est une interprète d’aujourd’hui. George Benjamin, dont elle a crée les Opéra (notamment le légendaire Written on Skin à Aix en 2012) l’appelle « ma muse ». Rien que ça…

Le programme du soir affiche un duo qui fait rêver sur le papier : Stravinsky-Ligeti. Le premier en ouvreur de brèche d’un langage musical nouveau, et le second qui s’y engouffre. Une dialectique maître-élève se dessine alors dans notre tête, Stravinsky en main-event. Dans l’énorme Symphonie des Psaumes, chœur et orchestre sont au garde à vous, suivant mot à mot les gestes de leur cheffe qui tient cette machine immense dans ses bras. Première artiste invitée auprès de l’Orchestre Philharmonique de Radio France depuis 2022, Barbara Hannigan est à la hauteur ! L’impression esquissée dans la Symphonie en trois mouvements qui précédait est frappante de cohésion et de puissance. C’est un Stravinsky furieusement rythmique et doublement moderne qu’Hannigan fait entendre au public, un peu médusé par la performance.

Barba-radio

Mais c’est dans les ouvertures de partie que Barbara se révèle encore un peu plus comme un grande interprète de la musique du XXème siècle. Son Ligeti est bluffant. Parce que la langue du compositeur hongrois est si intimement liée au phénomène sonore, on ne peut pas se contenter d’une lecture littérale de la partition. Respecter les nuances à la lettre comme on suit une recette de cuisine ne suffit pas, et il faut être attentif au moindre détail du son pour restituer les effets voulus par Ligeti. Barbara Hannigan est sans cesse les mains en avant pour tenir ses pupitres, régler les volumes en temps réel. De la haute mécanique qui s’appuie sur une maîtrise technique et sur la précision rythmique du bras. Solide…

À lire également : De Stravinsky à Glenn Miller : Barbara Hannigan et le le Ludwig Orchestra traversent la rue

Barbara Hannigan s’appuie aussi sur une des plus belles acoustiques de Paris. L’auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique est un écrin parfait pour les effets sonores inventés par Ligeti. Par moment, quand les cordes jouent en harmoniques dans leurs suraigus et que les flûtes déroulent leur contrepoint mystificateur, on a l’impression que le son sort de hauts-parleurs derrière nous. Ce n’est plus de la musique : c’est du cinéma de très haute définition. C’est une balade dans le murmure de la forêt, le vrai. C’est une soirée dans un grand vaisseau de musique, avec une Hannigan en capitaine. Barbara, à la barre…

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