RÉCITAL – David Fray avait rendez-vous avec son public à Bordeaux ! Un récital de romantiques, avec deux de ses chouchous : Schumann, Schubert.
Une escale à Bordeaux ? Allez d’accord, c’est sur mon chemin ! Quand il part sillonner l’Europe depuis sa résidence à Tarbes (il y dirige d’ailleurs l’Offrande Musicale depuis Xx), David Fray fait de temps en temps un petit stop par Bordeaux, le temps de recharger les batteries, de reprendre des forces, et d’en donner un peu à un public qui ne boude jamais un récital, même dans une semaine classique bien chargée ! Cathedra jouait les concertos pour orgue de Haendel, l’ONBA les variations Paganini avec Nelson Goerner, et le Grand Théâtre accueillait une troupe chinoise pour un Pavillon aux Pivoines qui restera dans les mémoires. Menu copieux, mais on a toujours de la place pour un petit quelque chose de Fray…
Chouchou sans chichi
Il est comme ça David : il passe toujours en coup de vent ! Et le vent qui l’amenait ce soir-là à Bordeaux était Romantique, avec un programme sur mesure pour celui qui a fait de Schubert sa carte de visite. Sa version de la D.960, adieux bouleversants du compositeur au monde est moins larmoyante que clairvoyante, avec des plans sonores impeccablement dosés, des nuances réglées et un choix de tempo bien allant. En clair ici, on dit au revoir sans s’attarder. Loin d’être ennuyeuse, la lecture de Schubert façon Fray est surtout l’occasion de se régaler du toucher de velours d’un artiste dont on comprend vite pourquoi les compositeurs romantiques lui collent à la peau.
Chou le vent
Dans les Kreisleriana de Schumann, c’est encore plus flagrant : le vent romantique devient une brise légère qui caresse le visage, comme David Fray caresse les touches blanches et noires de cette lettre d’amour en musique que Robert écrit à Clara, quand le soleil se levait à peine sur leur histoire. Promesses de l’aube, les Kreisleriana ne débordent jamais de leur lit, toujours tendres et délicats, comme de petites perles irisées dans la lumière douce d’un Schumann de tableau noir : arpèges en cascade, syncopes légères et main gauche jamais trop grave, en soutien constant d’une mélodie qui la chevauche par endroits. Les mains se mêlent, mais jamais l’esprit de David Fray, qui conserve dans la Schumann la même clairvoyance, et le même calme que dans Schubert.
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À le voir jouer comme ça, on a l’impression d’un confort total, jamais en force. C’est très reposant, et on peut se laisser aller. On a jamais peur. On divague gentiment sur une mer calme, dont les secousses sont au loin. Pas de risque de submersion pour l’auditorium, qui va pourtant finir par chavirer au moment des applaudissements, célébrant les deux chouchous de la soirée, et celui qui les a amenés dans sa valise, prêt à repartir vers de nouveaux horizons. Merci d’être passé, David !