COMPTE-RENDU – Avec Anna Besson et Jean Rondeau se retrouvent Bach et ses fils, pour l’ouverture du Festival d’Automne du Haydneum à Budapest.
Père et fils, sous le signe de l’émotion
Dans la salle de bal du Palais Károlyi-Csekonics, au centre du quartier des palais de Budapest, résonnent ce soir les œuvres de Bach, Johann Sebastian, mais aussi de ses fils, Carl Philipp Emanuel Bach et Wilhelm Friedemann Bach. « Ne vous embêtez pas à essayer de deviner quelle pièce est de qui, profitez simplement de la musique ! » suggère Anna Besson, soulignant ainsi l’impressionnante filiation musicale. Attentif cependant, comme devant un arbre généalogique qui s’apprécierait avec les oreilles, le public s’affaire à repérer les similitudes et les différences avec les compositions du père, dont les géométries se retrouvent chez le premier fils, tandis que le second penche vers des divertissements – cela, au cœur d’une interprétation fluide et surtout vivante, assurée par les artistes. Avec aisance, flûte et clavecin en reproduisent les formes et les couleurs, aidés par une alchimie, une connivence qui leur assure précision et netteté.
Pour parcourir en toute agilité cet arbre musicologique, la flûte baroque d’Anna Besson voit sa ligne claire onduler à travers les notes du clavecin, souple et surtout, naturelle – car c’est bien ce qui frappe dans le jeu de la flûtiste, de plus en plus en valeur à mesure du concert. Une certaine délicatesse est également de mise, sans pour autant sacrifier à une vigueur, plus appuyée, très dynamique. Enfin, son interprétation exprime beaucoup de joie (comme dans une heureuse réunion de famille, oui cela existe donc…), relevant gracieusement la musique des Bach et transmettant l’émotion au public. Le résultat est d’autant plus touchant que la salle du palais est relativement petite, intime, familiale. « C’est finalement comme à l’époque ! », remarque d’ailleurs Jean Rondeau, avec un certain amusement.
Père et fils, sous le signe de la créativité
Ce que le père a légué aux fils ? Authenticité, mais aussi créativité. D’abord révélées dans le jeu de Jean Rondeau qui surprend par une certaine abstraction, son apparente déstructuration, comme s’il partait dans tous les sens – mais cela en apparence, car sous les palettes de couleurs virevoltantes, une structure claire, précise et soignée, se dégage. Rigueur et méthode sont de mise, au service d’un jeu particulièrement inventif mettant en lumière les œuvres de Bach et de ses fils. Cette filiation de créativité se poursuit dans les transcriptions et jusqu’en bis, notamment l’« Aria » des Variations Goldberg, afin que la flûte accompagne le clavecin avec toujours autant de joie (inversant les rapports hiérarchiques comme peuvent le faire les filiations).
Le père et les fils (et le saint esprit de la musique) sont donc ainsi non seulement reliés par le programme, mais aussi par les qualités d’inventivité des deux interprètes. Le public les remercie d’ailleurs chaleureusement pour cette ouverture du Festival d’Automne du Haydneum. Après les pères et les fils, les affaires de famille se poursuivent d’ailleurs à Budapest – le lendemain, place aux frères Haydn qui se retrouvent, eux aussi, le temps d’un concert.
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