Casse-Noisette 2.0 à Strasbourg

DANSE – Le chorégraphe Rubén Julliard dépoussière « Casse-Noisette », joyau incontournable du répertoire classique pour en donner une version plus moderne, et féministe ! Danseur du Ballet de l’Opéra National du Rhin, Julliard signe une chorégraphie percutante alliant la magie de Noël avec la modernité du monde d’aujourd’hui. Une adaptation qui vaut le coup de faire le déplacement jusqu’à Strasbourg, pour prolonger la magie des marchés de Noël sur la scène de son Grand Théâtre.

Casse-Noisette, ballet intemporel 

Crée en 1892 Casse-Noisette a traversé les époques et a été réinventé par les plus grands : Balanchine, Noureev ou encore Maurice Béjart. Pour l’Opéra National du Rhin, c’est Rubén Julliard, qui s’y colle. Danseur de la troupe, après avoir interprété tous les rôles masculins dans plus de 150 représentations, le voilà qui signe sa propre chorégraphie : un défi artistique ambitieux qui concilie répertoire classique et contemporain. 

Malgré sa modernité, la version de Ruben Julliard conserve l’essence du conte de Noël : les jouets, les flocons de neige, les rats et bien sûr le casse-noisette… Un spectacle qui trouve naturellement sa résonance avec la ville de Strasbourg, où l’Opéra est situé au bout du célèbre marché de Noël, ajoutant une dimension féérique et authentique à l’expérience. Même si avouons-le, il est difficile de se frayer un chemin parmi la foule de touristes. 

© Agathe Poupeney
Danser avec son temps

Casse-Noisette a subi quelques modifications pour le rendre plus moderne. Le personnage de Drosselmeyer devient un couple complètement loufoque et imprévisible et l’intrigue se déroule dans leur univers : un atelier de jouets complètement foutraque. 

Clara est une petite fille pour le moins déterminée. Tout d’abord, elle décide de s’inviter à la soirée entre adultes dont elle était exclue, bravant le froid. Puis elle se bastonne avec le roi des rats pour sauver le Casse-Noisette, et repousse la princesse Pirlipat, symbole d’une féminité sophistiquée. Elle est cette femme apprêtée et séductrice représentant l’âge adulte. Fini le prince charmant : Clara est désormais une héroïne forte, qui rêve plus d’aventures que de trouver l’homme de sa vie. Ce n’est plus cette petite fille de 9 ans, baba d’admiration pour un vieil oncle et un prince charmant. Elle traverse son adolescence entre son parrain et sa marraine, dans un récit qui questionne la tradition. 

© Agathe Poupeney

Le deuxième acte supprime les danses stéréotypées. Exit les versions caricaturales des danses chinoises, arabes, espagnoles et russes, place à des danses de jouets inventives. Par exemple sur la danse dite « chinoise », le personnage devient un ressort géant avec un costume multicolore incroyable donnant un passage drôlissime, tandis que la danse dite « espagnole » met en scène une femme géante, conservant néanmoins la robe à pois noir et rouge du flamenco. 

Scéno Trouvetou

La scénographie de Marjolaine Mansot fait preuve d’une créativité remarquable. L’action se déroule dans l’atelier d’un couple d’inventeurs excentrique, une « maison atelier » qui évoque l’atelier de Léonard de Vinci, où savantes machineries côtoient objets du quotidien et outils.  

© Agathe Poupeney

Loin de l’intérieur bourgeois conventionnel de Casse-Noisette, cet habitat rappelle l’atmosphère du XIXème siècle : murs en chaux patinée, verrière métallique et une multitude d’objets. Chaque ouverture de la porte d’un placard révèle une magie singulière où des jouets prennent vie dans un nuage de poussières avant de retourner, comme par enchantement, à leur état d’origine, inanimées. 

Le deuxième acte amplifie cette dimension onirique avec un ensemble de boîtes dorées géantes desquelles surgissent des jouets à taille humaines : des danseurs et danseuses, des clowns, un serpent … Et cette magnifique mise en scène est sublimée par les 160 costumes imaginés par Thibaut Welchlin, ajoutant une dimension visuelle fantastique. 

Cast-noisette
© Agathe Poupeney

Marta Dias offre une interprétation épatante de Clara, incarnant avec une rare intensité une jeune adolescente entre deux âges. Sa performance technique allie une aisance bluffante tant dans le registre classique que contemporain, embrasant la scène avec une juvénilité désarmante et une joie communicative. Clara est une véritable « warrior » qui combat les méchants rats et repousse les codes de la féminité symbolisé par la princesse Pirlipat, interprétée avec brio par la magnifique Alice Pernão. Le couple Drosselmeyer, interprété par Erwan Jeammot et Julia Weiss apporte une touche de comédie bienvenue qui dynamise le spectacle. Quant à Miquel Lozano dans le rôle de Casse-Noisette, il s’éloigne de la version princière de Noureev pour proposer une version plus légère et humoristique. Et on adore bien sûr le Roi des Rats de Marin Delavaud avec sa danse terrienne, ancrée au sol apportant cette touche de modernité.

À lire également : Il était une fois Casse-Noisette : pur sucre !

Ce Casse-Noisette est très réussi. Fini les regards ambigus d’un vieil oncle sur sa filleule ainsi que les représentations stéréotypées de danse folklorique ! Cette nouvelle version choisit de mettre en lumière le voyage introspectif de l’adolescence, moment complexe d’émancipation et de transformation intérieure. L’accent est mis sur la construction de son soi, plutôt que sur un hypothétique amour romanesque avec un parfait inconnu rêvé. Clara n’est plus une jeune fille passive mais bien une héroïne en devenir. You go girl !

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