AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - InstrumentalMidnight Mood : la nuit câline du Café Zimmermann

Midnight Mood : la nuit câline du Café Zimmermann

CONCERT – L’ensemble baroque Café Zimmermann dédie au thème lyrique de la nuit en cette période d’entrée dans l’hiver un florilège d’œuvres de maîtres du baroque florissant, dont certaines arrangent la voix pour donner à l’instrument le pouvoir de bercer les âmes en prise avec l’incertitude de l’obscurité.

Dans l’écrin poudré du théâtre du Théâtre du Jeu de Paume d’Aix-en-Provence, lieu intime tel un boudoir galant, l’heure est à la confidence, à l’introspection, aux émotions calmes plus souvent qu’angoissées. L’heure est à l’écoute d’une play list, celle des chants d’une nourrice idéale et rêvée émanant du grand berceau de la scène et de son bel enfant, l’ensemble sur instruments et jeu d’époque Café Zimmermann. Tous les membres se tiennent proches les uns des autres dans l’harmonie du soir, pour mêler le pigment de leurs instruments respectifs. La teinte obtenue est chaude, moussue, palpitante mais sans aspérité. Les lumières marquent le temps comme les couleurs qui accompagnent le cycle de la lune.

Ombres de la voix

Comme en sous-texte, le fantôme de la voix traverse le programme réuni par l’ensemble, en résidence à Aix depuis 2011. Un luthier idéal et rêvé, murmurant à l’oreille de chaque musicien ? Son geste, précis et calculé, est capable d’harmoniser et d’unifier non seulement les différentes parties d’un instrument mais aussi les différents instruments entre eux afin de produire l’esprit propre à ces petites et grandes musiques de nuit.

© Clément Renucci

Ainsi, il n’y a pas formellement de chef dédié au comptoir du Café Zimmermann, mais tel ou tel instrumentiste soliste, à la faveur de telle ou telle œuvre dûment instrumentée. Le traverso (Karel Valter), au vu de son engagement dans les arrangements dédiés à son instrument, au souffle si proche de l’organe humain et pourtant décuplé, semble en être le maître d’œuvre. Mais les cordes des deux violons en dialogue avec l’alto (Pablo Valetti, Mauro Lopes Ferreira et Núria Pujolràs), accomplissent également leur office lyrique, mettant au service d’une vocalité de cantor chanterelles et autres cordes sensibles. Le timbre prend alors les inflexions nuancées du larynx, ses registres, son phrasé et sa carnation, veloutée ou acide, tout en faisant sereinement l’économie du vibrato. Les galbes vocaux des soli arrangés sont comme un ascenseur intérieur, que le regard clos du dormeur visualise et qui correspondent aux déplacements de la main, ascendants et descendants, à la fois furtifs et contrôlés, sur claviers, touches et clés.

Promesses de l’aube

Le principe baroque du contraste et de la combinaison de timbres trouve également à se déployer dans un répertoire de pièces cherchant à dépasser la voix. Le chambrisme s’étire vers les sommets de la virtuosité, tandis que le dialogue se fait supra-humain, paradis artificiel propre à la matière sublimée par la lutherie d’art. Diminutions et colorations des traits instrumentaux empruntent et dépassent les vocalises vocales et tirent leur feu d’artifice sur fond de voûte étoilée.

L’art patiné du violoncelle, dans une demi-teinte qu’il partage avec la viole de gambe (Balázs Máté et Étienne Mangot), enrobe le noyau lumineux du son de manière poignante, dans sa pêche miraculeuse de transparence et de pureté, comme l’artisan verrier souffle dans la matière en fusion. L’art ciselé et digital du luth (Francesco Zoccali) pose ses petits cailloux irisés sur le tutti concertant, plein et puissant, qui pourtant n’en absorbe aucun reflet. Côté clavecin (Céline Frisch), soliste ou continuiste, la fluidité du jeu, observable dans la courbe des coudes, fait oublier la griffe du chat sur la corde.

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De puissants effets de matières et d’épaisseurs encadrent les solos de leurs colonnes lisses ou torses, sur le socle puissant, quasi sonorisé, de la contrebasse (Davide Nava). Souvent, les da capo propres aux formes baroques reviennent et repartent sur la pointe des pieds, pour ne pas réveiller le rêveur. Les modulations sonnent de manière saisissante entre les séquences séparées et reliées par les tricotages du continuo, tandis que les motifs marqués des parties fuguées jouent à se faire peur dans la nuit. C’est ainsi que la musique avance à tâtons, entre deux barres de mesure, sous la protection de cette métrique à la fois souple et régulière qui structure et dynamise la phrase baroque, sur son lit douillet de pizzicati.

Demandez le programme !

J.S. Bach

Prélude Suite pour violoncelle BWV 1007
Widerstehe doch der Sünde BWV 54

Sonate pour flûte et clavecin BWV 1034, andante
Passion selon Saint Jean BWV 245, Arioso Betrachte meine Seel
Sonate pour violon et clavecin IV BWV 1017, Largo

Passion selon Saint Matthieu BWV 244, Aus Liebe
Passion selon Saint Jean BWV 245, Mein teurer Heiland
Oratorio de Noël BWV 248, Schlafe mein Liebster
Variations Goldberg BWV 988, Variation IX

Passion selon Saint Matthieu BWV 244, Am Abend da es kühler war
Variations Goldberg BWV 988, Variation XXI


W.F. Bach

Adagio e fuga F 65

F. Couperin

Leçons de ténèbres, Introduction à la Troisième leçon


G.F. Hændel

Joshua HWV 64, For all these mercies we will sing
Ariodante HWV 33, Dopo Notte

M.A. Charpentier

Médée H.491, Dieu du Cocyte

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