À Toulouse, on voit du pays !

CONCERT – C’est un public toulousain conquis qu’a retrouvé Tugan Sokhiev, ancien directeur musical de l’Orchestre National du Capitole, dont chaque venue dans la ville rose suscite de vives émotions. Avec la violoncelliste argentine Sol Gabetta au style aussi tranché que personnel, ils arborent un programme à la fois traditionnel et explosif. De quoi décoiffer même la Staatskapelle de Dresde, fondée en 1548 : l’un des plus anciens orchestres du monde. 

Bien que le concert affiche deux œuvres bien connues, le programme surprend par sa combinaison audacieuse : le Concerto n°1 pour violoncelle de Chostakovitch, suivi de la Symphonie n°7 de Bruckner. Carnet de voyage à la croisée des tensions russes et de la spiritualité autrichienne, que l’auditeur a la sensation de visiter le temps d’une soirée.

Russie mordante

Et on commence fort ! Avec ses boucles mélodiques et ses rythmes striés, le premier mouvement du Chostakovitch rappelle le Sacre du Printemps de Stravinsky. Pas de doute : on est bien chez les Russes. Les échos lointains du cor et les timbales ne font qu’intensifier le côté martial d’une œuvre chère à la soliste, dont l’énergie est saisissante dès les premières notes. C’est intense, presque brutal, et l’orchestre peine parfois à suivre la fougue. Dans les paysages froids et glacés du deuxième mouvement, les cordes dessinent un brouillard mystérieux, presque suspendu. Au sommet du registre, le violoncelle trace une ligne fine et saillante que le célesta cristallin vient adoucir par un accompagnement discret. Tugan Sokhiev scelle cette harmonie bucolique par une direction douce et patiente.

Phrases entrecoupées et rappels déstructurés du thème : c’est dans cette même brume que démarre la cadence du troisième mouvement ! Sol Gabetta émerveille par sa précision et sa justesse. La virtuosité s’installe dans un crescendo progressif et maîtrisé, bientôt rejoint par l’orchestre pour un round final. En fusion, on reconnaît l’air « Suliko » adoré de Staline, qui se teinte d’une ironie grinçante « à la Chosta », passant de pupitre en pupitre pour une coloration tantôt ridicule, tantôt angoissante. Sans baguettes, le chef déploie des gestes amples et précis, ponctués parfois de mimiques expressives. Sol Gabetta retrouve sa frénésie initiale face à des cordes menaçantes et des bois incisifs, avant que l’explosion finale ne déclenche un tonnerre d’applaudissements. Le public exulte. En rappel, l’illusion est prolongée par un duo violoncelle et célesta qui scelle par une douce mélodie ce voyage dans les steppes russes.

Autriche et au-delà

De retour en Europe, c’est un autre type de voyage que s’apprête à faire l’orchestre, plus spirituel cette fois, avec la Symphonie n°7 de Bruckner. Sur fond de trémolos discrets aux violons, le premier mouvement s’ouvre sur un thème mystérieux aux violoncelles. Alternant passages graves et respirations bucoliques, la trame est soutenue par la direction expressive, tantôt théâtrale ou retenue de Tugan Sokhiev. L’orchestre le suit, précis, nuancé, et parvient à illustrer ce tableau champêtre, ponctué par les appels du cor. Dans le très attendu adagio, le thème choral du Te Deum composé par Bruckner en hommage à Wagner peint une atmosphère magistrale et dramatique. Les cordes, par de subtils retards rythmiques renforcent cette profondeur, comme les accents tranchants des cors dans l’aigu. Le choral devient la synthèse entre cérémonie funèbre et poésie mystique. Dans un crescendo orchestral galvanisé par une direction inspirée, les cuivres font preuve d’un son engagé et certain qui contraste avec celui des cordes, plus lyrique et pastoral.

À lire également : L’interview perchée de Sol Gabetta

Leur transition abrupte entre les deux est saisissante d’intensité. Deux tableaux, deux ambiances. La distinction est claire : grave et choral d’un côté et lumineuse et bucolique de l’autre. Les contrastes d’atmosphères s’intensifient et s’enlacent à l’approche de la coda, portée par une direction toujours précise, où l’orchestre s’unit enfin pour un unisson final et puissant sur le thème choral. Les dialogues entre pupitres se superposent pour former un tissu sonore dense. Le tutti final clôt une soirée marquée par des applaudissements d’une vive intensité. Avant de quitter la scène, Tugan Sokhiev prend le temps de saluer tout le public qui le remercie par une ovation, déjà impatient de le retrouver.

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