AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - DanseOnbashira Diptych : autonomie d'une chute

Onbashira Diptych : autonomie d’une chute

DANSE – Le Palais des Beaux-Arts de Charleroi (PBA) présente Onbashira Diptych, la création de 2017 du chorégraphe belge Damien Jalet, en coproduction avec Charleroi danse. Inspirée d’un rituel japonais ancestral, la pièce explore les forces fondamentales qui traversent les rituels et les corps, en engageant une réflexion organique et collective autour de la gravitation.

 « Si on enlevait l’air du ciel, tous les oiseaux tomberaient par terre. Et les avions aussi… » Jean-Claude Van damme (JCVD)

Inspiré du rituel Shinto Onbashira, dans lequel des hommes affrontent dangereusement la pente et le poids pour guider d’immenses troncs jusqu’au sanctuaire de Suwa, ce festival, célébré tous les six ans dans la région de Suwa, au cœur de la préfecture de Nagano, incarne une tradition vivante vieille de plus de douze siècles. 

Onbashira, qui signifie « piliers honorables » en référence aux seize sapins colossaux qui sont abattus, tirés à la corde, chevauchés dans des descentes abruptes, traversant rivières et rues avant d’être érigés devant les sanctuaires du site.

Ce diptyque chorégraphique — Thr(o)ugh et Skid — transpose cette lutte ancestrale sur un plateau radicalement incliné à 34 degrés. « Les scénographies des deux créations se complètent », explique Damien Jalet, « dans Thr(o)ugh, nous montrons le tronc d’arbre et dans Skid la pente de la montagne. »

Skid : dive to survive

Pour la première partie en position verticale, les vingt interprètes, membres du Ballet du Grand Théâtre de Genève, apparaissent tour à tour comme victimes du poids, résistants à la chute ou corps abandonnés à une force invisible mais implacable. Dans cette mise en tension constante entre équilibre et effondrement, Jalet interroge le lien intime entre conscience et inconscient, entre volonté de maîtrise (l’acquis) et lâcher-prise (l’inné), entre solitude et collectivité.

Le mouvement présenté en signe, les danseurs et leurs ombres ressemblent aux idéogrammes, Katakana et formes signifiantes que l’on observe sur une grande page blanche.

Verticalité du mouvement, horizontalité du groupe : les danseurs avancent en masse, dépersonnalisés, vêtus de costumes militaro-futuristes japonais. Les chaussures jika-tabi (inspirées des chaussettes traditionnelles japonaises), dotées de semelles adhérentes, complètent un look sombre de skieur en Gore-Tex du futur, évoquant à la fois l’univers SF d’Arzak de Moebius (1985) et les silhouettes obscures des guerriers Harkonnen dans le Dune de Denis Villeneuve (2024).

Allégorie d’une existence où les humains tentent tout au profit de la progression, un mythe de Sisyphe collectif se met alors en place, irrémédiable et dangereux.

À lire également : Requiem fragmenté par Accentus : l’art de la chute

Thr(o)ugh : tubes de l’été

En seconde partie, c’est l’horizontalité qui structure le mouvement : découpé, analysé, répété, tel celui de corps pantomimes placés dans des voitures pour des crash tests.

Thr(o)ugh, c’est une écriture scénique qui mime le regard du public depuis la scène elle-même, face à ce grand tube allongé (o) — ce vaste O vide, aux parois miroitantes — dans lequel les danseurs se positionnent en file indienne. Pris dans ce tronc monumental, ils posent et fragmentent leur mouvement en un immense ralenti, évoquant les prises séquentielles au pistolet photographique d’Eadweard Muybridge, autant que l’homme de Vitruve de Léonard de Vinci.

À la croisée de la danse, de la sculpture vivante et du rituel, Onbashira Diptych incarne une quête d’altérité, d’équilibre instable et de grâce gravitationnelle, portée par les images que le public glane au gré d’une culture du corps, de la répétition des gestes et des tentatives de percée que chacun propose, pour avancer.

Ce spectacle est dédié par Damien Jalet au compositeur Ryūichi Sakamoto, immense créateur de musiques pour le cinéma et l’animation. Pour rester dans l’esprit de la mise en scène, l’on pourrait évoquer Oxygen, œuvre où se conjuguent minimalisme, tension et épure.

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