DANSE – Après avoir ouvert sa saison de danse sur un grand classique avec Giselle, l’Opéra de Paris lance un triptyque chorégraphique dont le fil conducteur est tendu entre rigueur académique, danse urbaine et rêverie antique. De George Balanchine à Christopher Wheeldon en passant par Mthuthuzeli November, le voyage privilégie la virtuosité technique au détriment de l’émotion.
Thème et variations – le chic sans le choc
Sous la baguette de Vello Pähn, nous voilà embarqués dans la partition de Tchaïkovski, et avec elle s’ouvre une démonstration de danse dans sa technicité la plus pure. Le rideau se lève sur un décor minimal : deux lustres en cristal scintillent au-dessus de danseuses en tutus bleu lavande, qui glissent avec grâce. Au centre un couple souverain (Bleuenn Battistoni et Thomas Docquir) s’impose d’emblée.
Créé en 1947 à New York, Thème et variations de Balanchine célèbre la danse classique dans ce qu’elle a de plus essentiel : la clarté des lignes, la rigueur de la mesure, la synchronicité parfaite. Ici tout est ciselé : fouettés, arabesques, jetés, dégagés, piqués en attitude s’enchaînent avec une fluidité millimétrée. La maîtrise technique des danseurs confirme l’évidence : le ballet de l’Opéra de Paris est l’un des meilleurs au monde. Bleuenn Battistoni et Thomas Docquir forment un couple aérien et complice, entouré d’un corps de ballet, qui danse à l’unisson, cachant avec aisance les difficultés réelles de cette chorégraphie. Une démonstration de style qui rend hommage à la perfection classique. Froide, sans émotion.
Rhapsodies – voyage sans turbulence
Changement d’atmosphère radical avec Rhapsodies de Mthuthuzeli November, nouvelle entrée au répertoire. Sur la musique entraînante de Gershwin, le chorégraphe sud-africain tisse un pont audacieux entre danse classique, contemporaine et traditionnelle africaine. Une série d’instantanés de vie où les corps s’entremêlent, s’élancent et se frôlent dans des saynètes qui flirtent avec la comédie musicale. L’énergie est communicative : on passe de Broadway à Cape Town en un battement de jambes. Mais derrière cette vitalité, l’émotion peine à venir.
La scénographie – un cube lumineux, des portes coulissantes – suggère le spleen citadin plus qu’elle ne l’habite. Heureusement, la présence magnétique de Letizia Galloni et Yvon Demol illumine cette chorégraphie un peu trop sage. Un voyage fort sympathique et bien rythmé. Il manque le transport.
Corybantic Games – Grec plus ultra
La soirée s’achève avec Corybantic Games de Christopher Wheeldon, créé en 2018 pour le Royal Ballet et inspiré du banquet de Platon. Dans un décor épuré aux lignes géométriques, qui évoque les temples grecs, les danseurs drapés de blanc avec des rubans noirs composent une frise mouvante. Sur la Sérénade de Leonard Bernstein, Wheeldon rend hommage à la Grèce antique avec une rêverie sensuelle sur les relations humaines. Les duos se font et se défont, entre étreintes charnelles et gestes abstraits. Les hommes déploient une danse ancrée et puissante, tandis que les femmes semblent suspendues dans l’air.
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Au cœur du dialogue platonicien, l’amour se décline dans toutes ses nuances : hétéro, homo, secret, platonique, charnel – comme un jeu d’énergie entre athlètes qui se désirent. Nais Duboscq, Roxane Stojanov, Enzo Saugar, Francesco Mura, Valentine Colasante et le reste du corps du ballet imposent une puissance collective indéniable. Mais derrière cette beauté formelle, l’émotion peine à surgir. Les relations amoureuses restent un peu trop sages.
