CONCERT – Samedi 18 octobre dans le cadre de la saison « Marseille Concerts », l’Auditorium du Palais du Pharo de Marseille se transforme en petit laboratoire mozartien. Trois concertos, trois pianistes (Rémi Geniet, Gabriel Durliat et Sélim Mazari) et un Orchestre Philharmonique de Marseille prêt à suivre la cadence, sous le regard complice d’Olivier Bellamy, maître de cérémonie du soir.
L’écrivain et chroniqueur introduit la soirée avec un clin d’œil à Vienne : les concertos seront joués « comme à l’époque », c’est-à-dire sans chef. Les pianistes, aussi étudiants en direction, mèneront tout à la fois clavier et orchestre. Pas de triche : dix doigts, un cerveau, deux métiers.
Rémi Geniet – horloge parlante
Un léger flottement après le discours (un silence digne de 4’33’’ de John Cage) avant que Rémi Geniet n’entre, tout sourire, pour ouvrir le Concerto n°12 en la majeur K.414. Son jeu est clair, lumineux, presque cristallin. Il cisèle les phrases, dompte les trilles avec élégance et installe une marche harmonique d’une limpidité rare. À la direction, il multiplie les signes précis, parfois jusqu’à l’excès : un peu de Mozart, un peu d’horlogerie. On admire la souplesse du pianiste, la rigueur du chef. Seule ombre : quelques flottements dans le troisième mouvement, conséquence logique de cette double casquette.
Gabriel Durliat – le poète
Puis vient Gabriel Durliat, pour le Concerto n°23 en la majeur K.488. Dès les premières mesures, tout change : la direction est ronde, engagée, son buste accompagne chaque phrase. Il dirige avec le sourire, et même pendant ses traits au piano ! D’un geste de l’index, il relance ses musiciens.
Son jeu est d’une grande pudeur, presque trop sage parfois. Mais il soigne ses phrasés avec un raffinement tel qu’on oublie vite ce manque de relief. Le deuxième mouvement, un andante suspendu, semble venir d’un autre monde : fragile, presque secret. Seul bémol (dans ce deuxième mouvement en fa dièse mineur) : un pied de pédale un peu trop énergique, qu’on entend cogner sur le plancher.

Sélim Mazari – explosif
Enfin, Sélim Mazari entre en scène pour le Concerto n°27 en si bémol majeur K.595. Le dernier de Mozart, le dernier de la soirée. Son jeu respire la liberté : les bras décrivent des cercles, les coudes s’élèvent, le buste se penche et se redresse comme un métronome expressif. Tout cela pourrait sembler excessif, mais non, c’est organique, fluide, diablement vivant. Mazari fait de Mozart un théâtre : il ne se contente pas de le jouer, il nous le montre. Son interprétation respire, surprend, fait sourire. Espiègle, tendre et virtuose à la fois.

En bis, les trois pianistes se retrouvent pour un arrangement à six mains de la Marche turque « un peu douteux », prévient-on en riant, mais parfaitement irrésistible. L’orchestre en rajoute, les musiciens s’amusent, le public rit et applaudit debout.
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Trois Mozart pour le prix d’un
Entre rigueur, pudeur et fantaisie, ces trois jeunes pianistes prouvent qu’on peut encore redécouvrir Mozart sans chapeau poudré ni clavecin figé. Trois générations de virtuosité dans un même geste, trois lectures d’un même génie, et un public conquis, sourire aux lèvres et ovation debout.

