FESTIVAL – Dimanche 19 octobre, 16h. À la Maladrerie Saint-Lazare pour le Festival Pianoscope, un public bigarré s’installe sur les chaises : parents, enfants, grands-parents et quelques mélomanes curieux venus sans excuse familiale. Sur scène, deux femmes : Sabina Hasanova au piano et Anna Vidyaykina au dessin. Ensemble, elles forment le duo Piano & Sand, né en 2021. Leur promesse : faire dialoguer la musique et le sable, les sons et les gestes.
Le décor est sobre : un piano à queue sans couvercle à gauche, une étrange table lumineuse à droite, et un écran éteint en fond de scène. Quand la lumière bleutée s’adoucit, la magie opère : sous les doigts d’Anna, le sable devient Lune, cratère, constellation. Les traits dansent, se transforment, disparaissent, pendant que Sabina, tout sourire, fait chanter Saint-Saëns ou Tchaïkovski. Le voyage commence, direction l’imaginaire.
Prose des sables
Hasanova joue avec une énergie communicative : elle lance des regards complices aux enfants, s’avance parfois sur le clavier, se penche vers le public comme pour partager un secret. Vidyaykina, de son côté, illustre la musique à la seconde près. On pense à Kandinsky pour les formes, et à Disney pour le rythme, tant le sable semble répondre aux notes dans un parfait Mickeymousing.
La narration, simple mais efficace, relie les séquences, (français travaillé pour l’occasion) et quelques explications pour guider les petites oreilles dans ce voyage lunaire. Tout se passe en apesanteur : l’Aquarium de Saint-Saëns sert de vaisseau spatial, et l’on plane dans un cadre sonore aussi doux que suspendu.
Marchandes de sable
Certains passages flirtent avec la modernité : un peu de polytonalité, quelques dissonances, qui déclenchent chez deux ou trois bambins de légères protestations (Spoiler : Schönberg pour Noël, c’est pas encore pour cette année). Mais dans l’ensemble, l’attention est totale. Les yeux grands ouverts, les enfants regardent les dessins naître, se transformer, s’effacer au rythme de la musique.
Seul regret : le programme manque d’indications. On aurait aimé connaître les œuvres, peut-être pour les réécouter à la maison, prolongeant le rêve après la sieste. Mais qu’importe. Au final, c’est un moment suspendu, tendre et sincère, que partagent artistes et public.
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Et cerise sur le gâteau (de goûter), le duo propose une initiation à la fin du concert : d’un côté la table de sable, de l’autre le Steinway. Les enfants se pressent, les adultes regardent avec une pointe de jalousie. On se dit qu’on aurait bien aimé, nous aussi, avoir sept ans à nouveau, juste pour pouvoir mettre un peu les mains dans la magie…

