CD – Pour son premier disque solo, la soprano belge Sophie Junker propose avec le Concert de l’Hostel Dieu La Francesina, un récital des grands airs de Haendel qui rend hommage à la cantatrice Elisabeth Duparc.
Sorti à l’automne sous le label Aparté, La Francesina se présente ainsi : une soprane légère en tête d’affiche, accompagnée d’un orchestre énergique, le tout dans une fête baroque illuminée par un feu d’artifice de vocalises ébouriffantes. Jusqu’ici, convenons-en, rien de nouveau sous le soleil. Des disques comme celui-ci ornent sûrement déjà vos étagères (peut-être même y en a-t-il certains qui prennent un peu la poussière ?), et le modèle du genre est sans aucun doute le Baroque de Natalie Dessay, Emmanuelle Haïm et William Christie, sorti en 2015.
Soulignons pour commencer que Franck-Emmanuel Comte a eu l’intelligence de ne pas tomber dans le piège tendu devant lui. En présentant le même catalogue des inénarrables Giulio Cesare, Il Trionfo del Tempo, Alcina et consort, le chef du Concert de l’Hostel Dieu risquait de voir son disque comparé avec d’autres enregistrements similaires sur un créneau qui tient plus de l’autoroute un 15 août que du chemin de campagne…
C’est en quelque sorte un itinéraire bis qui nous est proposé, avec un album-récital qui emmène à la découverte d’une des stars de la période londonienne de Haendel : Elisabeth Duparc, dite La Francesina, une Française expatriée sur les bords de la Tamise pour être couronnée favorite du compositeur. Pour sa voix, ce dernier élabora pas moins de douze rôles que Sophie Junker incarne courageusement. Mettre sur pied autant d’airs différents, peu connus et dont la cohérence ne tient que du fait historique (l’interprète qui les a créés) constitue un vrai défi pour la colorature belge qui n’avait jusque-là jamais eu les honneurs d’un disque solo.
C’est pour qui ?
Cette grande première explique peut-être la débauche de vocalises et d’effets vocaux qui donne aux passages rapides un air de concours de chant. Natalie Dessay et Cecilia Bartoli peuvent dormir tranquilles : la relève est assurée ! Sophie Junker est une sacrée virtuose ! Les ornements tricotés atteignent un niveau vertigineux que les amateurs de performances vocales apprécieront, car il est rarement aussi élevé. En somme, si pour vous la valeur d’un disque se mesure aux nombres de notes que vous y entendez, La Francesina n’attend que vous ! On attend avec impatience les concerts annoncés pour profiter pleinement du spectacle…
Néanmoins, faire de ce premier enregistrement solo un feu d’artifice monochrome serait réducteur. Il y a fort heureusement dans les douze pistes qui le composent quelques moments d’une musicalité bienvenue, des pauses gracieuses qui invitent à fermer les yeux et à rentrer en nous. La voix de Sophie Junker (et la musique de Haendel !) fait parfois cet effet-là.
Pourquoi on aime
- Pour les airs de bravoure ornementés avec virtuosité par Sophie Junker. Du grand spectacle !
- Pour l’originalité d’un programme qui ose sortir des sentiers battus d’un compositeur que l’on connaît si bien.
- Parce qu’on découvre ça et là des raretés que l’on aimerait voir devenir des tubes, comme la piste n°7 (“My father ! Ah !”).