CD – L’ensemble baroque dirigé par Louis-Noël Bestion de Camboulas, Les Surprises, explore pour son dernier disque les masques anglais – on parle bien ici du genre lyrique baroque !
Théâtres en Angleterre au XVIIème siècle
Disons-le, il est difficile de planter le décor du théâtre anglais au XVIIème siècle en quelques lignes, mais il est important de savoir qu’en vérité, il y a un avant et un après les Civil War.s Entre 1642 et 1660, les théâtres londoniens sont fermés à cause de la première guerre civile. Les masks, tels qu’ils apparaissaient au tournant au XVIIème siècle sous le règne d’Elisabeth I, pouvant réunir plusieurs arts scéniques, du théâtre à la danse, jusqu’à parfois la pyrotechnie dans les spectacles les plus extravagants, sont devenus désuets. La remise en cause des valeurs de ce spectacle invite à la fin du siècle les compositeurs à envisager des formes lyriques plus simples et dépouillées.
Henry Purcell commence justement à écrire pour la scène à la fin du XVIIème siècle : Didon et Enée, le premier de ses opéras, daterait de 1689. Lorsque la monarchie réduit la place de la musique royale et religieuse à sa cour, Purcell rejoint une troupe de théâtre, l’United Compagny. Il y compose des opéras courts mais aussi des pièces qui agrémentent le texte théâtral. Ces petits opéras et suppléments contiennent les ingrédients dramatiques des opéras habituels mais de façon concentrée, ce qui permet des émotions plus fortes, plus rythmées, comme intensifiées.
Histoires d’amour
Ce sont ces émotions que Les Surprises ont voulu transmettre ici. En choisissant des airs et des danses de différents masques du compositeur anglais – King Arthur, Fairy Queen, The Indian Queen, Don Quixote – l’ensemble nous offre tour à tour différentes histoires d’amour, tantôt légères et enjouées, tantôt dramatiques et ensorcelées.
L’ensemble nous emène dans ses pérégrinations grâce à cette cohésion, cette complicité, ce souffle commun que nous leur connaissons bien. Le timbre rond et chaleureux de l’orchestre, conforté par l’orgue et le théorbe, offre aux deux chanteurs complices des Surprises, Eugénie Lefebvre et Etienne Bazola, un espace dans lequel ils peuvent aisément se déployer. Les lignes mélodiques des mouvements lents sont effectuées sans difficultés apparentes, de façon si délicate que nous oublierions nous-même de respirer : écoutez donc ce Seek not to Know. La virtuosité ne manque pas non plus dans les mouvements plus rapides, comme dans l’air Anacreon’s Defeat, qui offre à Etienne Bazola la possibilité d’utiliser toute une palette de couleurs. Couleurs également pour l’orchestre qui sait se fondre comme un caméléon, devenant tantôt terrifiant, tantôt doux, grâce au travail d’instrumentation effectué par le chef.
Louis-Noël Bestion de Camboulas et son ensemble Les Surprises n’ont pas résisté à ressusciter des pièces oubliées. Purcell côtoie ainsi de nouveau certain de ses contemporains : John Eccles, John Blow et Jeremiah Clarke, dont ils n’ont pas grand-chose à envier à la tête d’affiche.
Si le disque commence par un joyeux Hornpipe et termine par une mélancolique Chaconne, l’amour que vous entendrez chanté ici n’est pas toujours calme : bien au contraire, vous pourrez même voir passer des sorcières !
C’est pour qui ?
Pour les amoureux d’opéra et de théâtre, pour ceux qui disent que l’on ne connait pas la musique baroque anglaise, pour ceux qui aiment la musique à la fois simple et riche, pleine, généreuse, avec des dissonances et des rebondissements.
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