AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - LyriqueLes Vêpres de Monteverdi en 3D : le blockbuster de Pygmalion

Les Vêpres de Monteverdi en 3D : le blockbuster de Pygmalion

CONCERT – Raphaël Pichon à la tête de son ensemble Pygmalion fait son cinéma à la Philharmonie de Paris dans les Vêpres de Monteverdi, sous les projecteurs de Bertrand Couderc. Après un Samson façon péplum à Aix, Pygmalion mériterait bien un Oscar !

Les Feux de la Rampe

Bien que fidèle collaborateur de Raphaël Pichon et de l’ensemble Pygmalion, il est étonnant de voir figurer le nom de Bertrand Couderc, créateur lumière et non musicien, en deuxième position dans le programme des Vêpres de Monteverdi à la Philharmonie. La réponse est donnée par son chef, Raphaël Pichon: « Pour moi, les Vêpres sont la première œuvre cinématographique de l’histoire de la musique ». On se prépare donc à assister à des Vêpres en CinémaScope. La lumière sculpte l’espace scénique et les fondu-enchainés accompagnent les transitions entre les différentes parties de l’oeuvre. Une lumière dorée permet d’éprouver la sensualité des pages extraites du Cantique des Cantiques et les pleins feux intensifient les éclats vocaux glorifiant la Sainte Trinité. Des spots révèlent les chanteurs intervenant de toute part dans la salle Pierre Boulez de la Philharmonie. Du grand spectacle on vous dit…

© Antoine Benoit-Godet / Cheeese

Sacré graal

Du théâtre au concert : c’est le désir de Raphaël Pichon, pour que le public ressente dans ses chairs l’omniprésence du souffle divin qui infuse la musique. Une spatialisation minutieuse est alors organisée, pour un effet saisissant de musique jaillissant de tous les coins de la Philharmonie (des balcons et des coursives), l’auditoire ne sachant plus où donner de la tête et des oreilles. Les chanteurs sont sans cesse en mouvement et, à l’issue de la soirée, leur podomètre doit afficher un score interessant. Certains se font des frayeurs en arrivant juste à temps pour leur intervention (un seul retard remarqué) après s’être peut-être égarés dans le labyrinthe des couloirs de la Philharmonie. 

© Antoine Benoit-Godet / Cheeese

Si le dispositif lumière occupe une place importante et participe à la réussite de la soirée, il ne prend pour autant pas le dessus sur la musique de Monteverdi. Celle-ci, servie par  l’équipe Pygmalion en grande forme, défile sans coupure dans une alternance de pages jubilatoires et de moments de recueillement. Des chants grégoriens sont insérés entre chaque scène, ancrant l’oeuvre dans des temps que même les frères Lumières ne peuvent pas connaitre.

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Okay choral

Ce concert fait suite à un enregistrement pour la production Harmonia Mundi. Tous les chanteurs (à un près), riches de l’expérience du studio, connaissent leurs Vêpres parfaitement. 

© Antoine Benoit-Godet / Cheeese

Le ténor Zachary Wilder est la vedette. Sans partition, et comme un muezzin, sa voix lumineuse s’élance vers les balcons et s’adoucit voluptueusement lorsqu’il délivre le texte extrait du Cantique des Cantiques ( « Nigra sum »). En véritable cascadeur il exécute la ribambelle d’ornements que sa voix peu vibrante rend plus sensible encore. En ténor second rôle, Robin Tritschler  apporte la rondeur de son timbre et l’écoute attentive à son partenaire quand il s’en fait l’écho dans « Audi, coelum ». Il participe au « Duo seraphim » auquel se joint un troisième ange : le ténor Antonin Rondepierre. Quittant les rangs du choeur, la voix de ce dernier se joint idéalement, agile et projetée, pour un moment exceptionnel d’extase musicale. 

De même famille vocale, les soprano Céline Scheen et Perrine Devillers marient leur chant idéalement. La première, très engagée physiquement, fait entendre une voix lumineuse et agile quand la seconde assume le dessous aussi assurément que sa posture. 

© Antoine Benoit-Godet / Cheeese

Les basses Nicolas Brooymans et Renaud Brès interviennent dans les nombreux petits ensembles assumant aisément le socle harmonique de leur voix aux résonances riches.  

Etienne Bazola, sans posséder une présence solide dans le grave, intervient néanmoins assurément dans un trio. Tous trois rejoignent le choeur pour participer aux grands ensembles, témoignant ainsi du niveau exceptionnel des chanteurs de l’ensemble Pygmalion. Choristes et instrumentistes impressionnent de par leur agilité et leur précision, répondant au plus près aux demandes du chef-réalisateur Raphaël Pichon. Ce dernier emmène son équipe au plus haut niveau d’expression, des travellings sonores au gros plan. Il galvanise son équipe pendant toute la séance, le son atteignant des sommets de splendeur. Le public ne se fait pas attendre pour ovationner les artistes, achevant la soirée en un gigantesque « happy end ». 

© Antoine Benoit-Godet / Cheeese
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