INTERVIEW- Grande exploratrice de répertoires, la violoncelliste Emmanuelle Bertrand interprétera le 6 mars, aux côtés de l’Orchestre national de Bretagne, le Concerto pour violoncelle de Marie Jaëll (1846-1925), femme aux mille vies. Discussion autour d’une compositrice oubliée… pourtant inoubliable.

Comment êtes-vous venue au violoncelle ?
Emmanuelle Bertrand : Je suis la troisième d’une fratrie de musiciens. Quand je suis née, mon frère et ma sœur étaient déjà dans une pratique musicale assidue. À l’origine, je voulais jouer de la harpe mais Florence, ma sœur, m’a racontée que cela faisait mal aux doigts (rires). J’ai finalement choisi le violoncelle. Quelques rencontres ont déterminé ce choix, notamment un concert de Jean Deplace et l’écoute d’un disque de Maurice Maréchal. Cela représente une filiation symbolique. Le violoncelle est résolument ma voie.
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Pourquoi avez-vous voulu interpréter le Concerto pour violoncelle (1882) de Marie Jaëll ?
Il s’agit d’un morceau que j’ai ajouté à mon répertoire il y a deux ou trois ans. L’équipe du Palazzetto Bru Zane (Centre de musique romantique française à Venise, NDLR) m’a envoyée un exemplaire de ce concerto. Puis la partition a sommeillé dans une grande pile avant que ma sœur, qui est musicologue, me dise de regarder l’œuvre de Marie Jaëll. J’ai trouvé qu’elle était magnifique et digne du plus grand intérêt. J’ai donc proposé à plusieurs orchestres de l’interpréter et l’Orchestre national de Bretagne a répondu présent.
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Comment définiriez-vous le Concerto pour violoncelle ?
Il est remarquablement bien écrit. Marie Jaëll (qui était pianiste, NDLR) fait chanter le violoncelle. Il y a une vocalité dans le phrasé qui lui est propre, c’est son langage. Le traitement du jeu instrumental est très proche de celui du clavier, tout se passe en délicatesse et en finesse. Des passages d’arpèges descendants, généralement utilisés pour le piano, se transposent parfaitement au violoncelle.
Marie Jaëll n’était pas une inconnue à son époque. Je pense que la société d’alors était prête à reconnaître une interprète, une pédagogue, mais pas une compositrice.
Le fait que Marie Jaëll soit une femme a t-il été un autre élément déclencheur pour reprendre cette partition ?
Ce qui m’a appelée dans cette entreprise, c’est avant tout la musique de Marie Jaëll. Je pense aussi au pianiste Charles-Valentin Alkan qui a été oublié du répertoire. Femme ou homme, il est toujours passionnant de se plonger dans une œuvre du passé. Marie Jaëll n’était pas une inconnue à son époque. Je pense que la société d’alors était prête à reconnaître une interprète, une pédagogue, mais pas une compositrice. Cependant, elle avait toute la reconnaissance de ses pairs, dont Franz Liszt. Marie Jaëll fourmillait d’idées de projets. Elle devait avoir une énergie débordante. Toutes ces facettes sont complémentaires mais exigeantes, et entrent en compétition dans la matérialité du temps.
Concerto pour violoncelle de Marie Jaëll, direction David Molard Soriano, le samedi 6 mars à 21 heures sur la page Facebook de l’Orchestre national de Bretagne.
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