COMPTE-RENDU – Guidé par une forme d’humanisme, le 12e festival Les Traversées confirme son rôle de défricheur musical. Le 9 juillet, le public a pu (re)découvrir les œuvres de compositrices européennes et marcher du Japon à l’Italie en compagnie de Marco Polo. Magique.
Nichée dans un écrin de verdure, l’abbaye de Noirlac est un bijou cistercien du XIIe siècle dont les murs résonnent désormais aux sons des musiques d’hier et d’aujourd’hui. Labellisée Centre culturel de rencontre, sa programmation s’exprime pleinement lors du festival Les Traversées, qui explore des répertoires du monde entier et redécouvre aussi des œuvres parfois oubliées.
Le 9 juillet, les femmes compositrices étaient ainsi à l’honneur avec le trio original composé de Catherine Jaquet (violon), Isabelle Veyrier (violoncelle) et Pascal Contet (accordéon). Ensemble, ils ont défriché le « jardin secret » de quelques « femmes d’esprit » dont Barbara Strozzi (1619-1664), Clara Schumann et Edit Canat De Chizy. L’intensité de la très brillante pièce de Sofia Gubaidulina (née en 1931), Silenzio a saisi le public.
Un voyage entre baroque et contemporain réalisé grâce aux arrangements de Pascal Contet dont l’accordéon a encore prouvé combien cet instrument à sa place dans tous les registres musicaux. On pourra retrouver ce spectacle le 14 août au Festival fort en musique, dans les Vosges.
Cette appétissante mise en bouche devait être suivie par la nouvelle production de la compagnie Rassegna, annulée pour cause de Covid. Heureusement, le concert du soir a bien eu lieu dans l’église abbatiale avec l’ensemble de musique ancienne Canticum Novum, créé par Emmanuel Bardon. Inspiré par la Route de la soie et le voyage de Marco Polo, il a parfaitement incarné l’esprit des Traversées.
Sur scène, un koto, un tsugaru-shamisen et des flutes traditionnelles japonaises étaient entourée d’instruments à cordes baroques (vièles, luth, violons, violoncelles,…), de percussions orientales,… Shiruku (la soie en japonais) a emmené le public d’un chant séfarade en judéo-espagnol à une chanson italienne, bulgare ou un fado, puis au répertoire chinois et japonais.
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Servi par une prise de son hyper-efficace, le tout a pris comme une émulsion qu’on bat au fouet pour obtenir une substance au goût inédit. Le jazz a même pointé son nez par moment et la liberté de l’improvisation a fini par plonger les musiciens dans une forme de transe qui a gagné le public, lequel aurait bien quitté sa chaise pour bouger son corps !
Poli, il a attendu la fin du concert pour offrir une standing ovation très méritée. Fidèle à ses engagements, Emmanuel Bardon a rappelé pour conclure combien ce travail collectif était la mise en musique d’une valeur qui lui tient à cœur et qu’il veut vivante et concrète : l’interculturalité.