PLAYLIST – Ils sont jeunes, ils sont beaux, ils sont nommés aux Victoire de la Musique Classique ! Les révélations instrumentales 2023 se révèlent à nous dans trois playlist, à découvrir ce mois-ci.
Pour ouvrir le bal, rien de mieux qu’un accordéoniste : Théo Ould ! De Händel à Petrucciani et de Brahms aux Pink Floyd : itinéraire d’un enfant gâté par une bonne fée, aux goûts aussi sûrs qu’éclectiques.
Une playlist à retrouver sur Spotify et notre chaîne YouTube
Mais laissons-lui la parole…
« Ca a été difficile pour moi de ne proposer que 13 titres. Au départ, j’en avais au moins 40 ! Il faut dire que je suis un boulimique de musique. Plus jeune, j’écoutais des musiques en aléatoire sur Apple Music, et ma mère m’autorisait à acheter un audio par semaine. L’accordéon, je l’ai un peu choisi par hasard, à 6 ans. J’étais fasciné par l’objet, et le potentiel sonore qu’il représentait. Au début, je jouais avec lui, mais pas musicalement parlant. Je m’imaginais aux commandes d’un vaisseau spatial, ou en train de coder des messages d’espion. Après, je me suis mis vraiment à travailler.
Georg-Friedrich HÄNDEL – Dixit Dominus, HWV 232 – Gloria Patri et Filio
Je devais absolument démarrer cette playlist avec le chef de choeur et d’orchestre anglais John Eliot Gardiner. Je pense avoir écouté tous ses disques et j’ai eu la chance de le rencontrer au festival Berlioz de la Côte Saint André, alors que je m’y produisais avec mon quatuor d’accordéons. C’est en classe de sixième que j’ai découvert la puissance de ce Dixit Dominus de Händel, dirigé par Gardiner, sa force spirituelle. La fugue, immense, est comme un tremblement de terre, quelque chose de très puissant, de tellurique, qui nous parle. En plus, musicalement, c’est un miracle d’équilibre.
Johannes BRAHMS – Symphonie n°4 en mi mineur, opus 98 – 4ème mouvement, Allegro energico e passionato – Più allegro
Ce final de la 4ème symphonie de Brahms, je l’avais entendu au cours d’une conférence, quand j’étais à la fin du collège ou au début du lycée. C’est lui qui m’a fait découvrir l’univers musical de Brahms, mais aussi de Bach et Mozart. Pendant longtemps, j’ai cherché à retrouver l’interprétation que j’avais entendu à cette conférence. Ca m’a pris deux ans ! Finalement, c’est un de mes professeur, au Conservatoire de Marseille, qui m’a donné la réponse. Quand je lui ai demandé : qui est le meilleur chef pour la 4ème symphonie de Brahms, il m’a répondu : Carlos Kleiber. La beauté du son allemand, mais sans lourdeur.
Astor PIAZZOLLA – Tristezas de un doble A
Juan Jose Mosalini, décédé récemment, était un immense musicien. Il produisait, avec son bandonéon, un son stratosphérique, d’une richesse harmonique que je n’ai jamais retrouvé chez aucun autre bandonéoniste. J’écoute cette pièce quand j’ai besoin de me relever, de me redonner un peu de force.
Michel PETRUCCIANI – One Night In The Hotel
En classe de seconde, je voulais briller en société en faisant du jazz, histoire de rajouter du strass et des paillettes à ma vie, déjà assez colorée ! Alors j’ai écouté ce One Night In The Hotel, de Petrucciani, en boucle, en marchant près de la mer à Marseille, au lieu d’aller en cours. C’est sensible et beau, sans prétention, avec ce phrasé propre à cette magnifique personnalité musicale.
PINK FLOYD – Shine On You Crazy Diamond
J’ai été bercé par ce tube, le plus emblématique des Pink Floyd. Il y dedans une véritable orchestration. J’y entend le même génie que Ravel ! je suis un passionné de hi-fi, et on peut entendre là tous les détails non-compressés et un rythme d’évolution de la musique foudroyant d’efficacité. Ces musiciens de rock parviennent à nous tenir sur un accord onirique pendant 1 minute 30 ; un véritable plaisir sensoriel, une chape de plomb qui s’enlève à chaque changement d’accord. C’est comme une mini-ouverture d’opéra. Les Pink Floyd, ce sont des génies de l’orchestration dans l’électronique !
GEORGES BRASSENS – Mourir pour des idées
Georges Brassens et Boris Vian ont été pour moi des portes d’entrée vers la littérature. J’aime le second degré tendre de Brassens, auto-dérision en toute circonstance. Il est mon maître à penser, à l’instar de Raymond Devos. J’aime sa manière de voir le monde, la façon dont il remet en question les ordres établis, de prendre le contrepied sans jamais être dans l’invective, le frontal ou l’engagé.
DIRE STRAITS – Brothers In Arms
J’ai finalement découvert assez récemment Dire Straits, il y a 3/4 ans. En réécoutant les Pink Floyds, j’ai voulu me replonger dans l’univers du rock, et c’est surtout cette chanson qui m’a capté. Le mastering est parfait : un léger halo sonore en arrière-plan, presque comme des orgues, qui vient mettre en valeur la guitare Dobro de Mark Knopfler, et sa voix de conteur, qui s’élève pour dénoncer la guerre au Vietnam. Ce sont là beaucoup de choses qu’aime mon grand-père.
Anne SYLVESTRE – Clémence en vacances
Georges Brassens est comme un philosophe un peu lointain, un poil parfait, inatteignable. Je me sent moins distant avec Anne Sylvestre. Elle est la philosophe du quotidien, plus engagée dans des choses concrètes. Je l’écoute très souvent. Clémence en vacances est une chanson très féministe, assez en avance. C’est l’histoire d’une mère de famille qui décide de partir en vacances, et de déserter de son rôle de mère intendante. C’est drôle, fin et justement envoyé.
Pat METHENY – First Circle
Pat Metheny est un guitariste de jazz américain, assez sulfureux, de 60 ans. En 6ème, mon prof de FM (Formation Musicale = solfège, ndlr), Laurent Elbaz, nous faisait apprendre les mesures irrégulières avec ce titre. Il dure 9 minutes et il me procure le même effet que la Chaconne de Bach. C’est une grande arche qui vous embarque, avec des points culminants de plus en plus haut.
Wolfgang Amadeus MOZART – Don Giovanni, K. 527: Act I: Ah chi mi dice mai
Je sui entré dans le classique par Mozart, via le film Amadeus, et Don Giovanni est un des 1er opéra de Mozart que j’ai vu. Ce qui veut dire que je l’ai vu une bonne dizaine de fois. C’est celui qui me saisit le plus. Il n’y a rien à enlever. On a 3 heures d’étourdissement de musique géniale. C’est une démonstration de son génie et un émerveillement devant une telle fluidité de langage. Donna Elvira vient d’être abusée par Don Juan, et elle crie que si elle l’attrape elle va l’étriper, l’écarteler. C’est quand même osé pour l’époque !
Johannes BRAHMS – Sechs Klavierstücke, opus 118 – II. Intermezzo en La Majeur
Arcadi Volodos est un des magiciens du piano, qui arrive à nous faire entendre autre chose que le piano. Il a une grande force qui le campe au sol et éclipse tout le reste. On ne peut pas l’écouter en musique de fond ! Il éveille un imaginaire terrien, ancré, fait de solitude et de mélancolie.
Giacomo PUCCINI – Turandot – Acte I : Non piangere Liù
J’ai voulu mettre 2 airs d’opéra, car je suis un passionné du genre. Après Mozart, Je suis particulièrement touché par Puccini, que j’ai découvert récemment. Cette version de Turandot par Zubin Mehta est somptueuse. Elle est lyrique, emphatique, tout en restant légère et très bien conduite. Elle est vieille mais elle ne prend pas de rides !
Johann Sebastian BACH – Toccata en mi mineur BWV 914
J’ai tout simplement pleuré quand j’ai entendu Grigory Sokolov en concert à la Philharmonie de Berlin. Je le suis, tout comme Volodos, et j’essaye d’aller le voir à chaque fois qu’il passe. Cette toccata est fascinante et touchante. Il y a tout le génie mathématique de Bach, avec la force vitale et l’émotion qu’amène Sokolov. C’est chirurgical et frappant. »
Bravo et merci pour ces jolis choix (et quelques découvertes!) de Mister Théo!