CONCERT – Dans une cour Mably de Bordeaux aux faux airs de cour carrée du Louvre, le Poème Harmonique et la mezzo-soprano Adèle Charvet ont reproduit une soirée royale, aux origines du style versaillais, entre les influences italiennes et les chansons de la rue. Le baroque français avant Lully, apporté à Bordeaux par le festival Pulsations 2023.
Le pitch est simple. Un ensemble de musiciens bien connus en France, mais rare à Bordeaux : le Poème Harmonique, dirigé par Vincent Dumestre. Devant eux, une mezzo-soprano bien connue à Bordeaux (depuis un Barbier de Séville en 2019), et qui fait gentiment son trou en France : Adèle Charvet. Un récital organisé par le festival Pulsations, porté par un ensemble Pygmalion qui n’hésite pas à partager un peu de son gâteau bordelais avec les collègues !
Cours croisées
Pour ce qui est du décor, pouvait-on rêver mieux ? Le programme proposait une plongée dans l’ambiance des soirées royales de l’époque Henri IV et Louis XIII, avant le Roi-Soleil et ses jardins, sa chapelle royale et ses compositeurs officiels. Exit, Charpentier, Couperin et compagnie, exit Versailles : c’est au Louvre que le Poème Harmonique nous emmène. Dans sa Cour carrée précisément, au début du XVIIe siècle. Et il se trouve qu’à Bordeaux, une cour carrée il y en a une aussi : la cour Mably, construite en 1684, et reconvertie en lieu de culture aujourd’hui. Si on est pas trop tâtillon sur les dates et les dimensions, on se croirait presque au Louvre !
Cours d’Histoire
Retour à la scène maintenant, où nos musiciens du soir jonglent entre chansons de troubadours et airs de cour, entre tragédie lyrique française et opéra italien. Si on reconnaît quelques airs de Cavalli notamment, et certains Lully pré-versaillais, la découverte de la soirée (comme souvent en musique ancienne) est dans les chansons populaires de l’époque. Comme le rappelle Vincent Dumestre en s’adressant au public : “On chantait tellement à Paris à l’époque qu’on a retrouvé une loi qui interdit aux musiciens de rue de se produire à moins de 10 mètres les uns des autres”. Une pensée pour tous les accordéonistes de la station Châtelet…
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Et donc, dans cette multitude de chanteurs à la sauvette qui ne recevaient pas les honneurs du Louvre, il y avait une multitude de chansons, dont certaines nous sont parvenues parce qu’elles ont plu, ont été chantées devant les têtes couronnées, copiées, conservées, puis rejouées. Quatre siècles plus tard, elles trouvent chez Adèle Charvet la voix fidèle et appliquée d’une deuxième vie.
Cour des grands
Une voix de velours dans un regard de feu : Adèle Charvet crève l’écran. Drôle, violente, tragique ou coquine, à chaque fois très juste et inspirée, elle occupe la scène à elle toute seule. Enfin, seule, pas tout à fait : d’abord elle est soutenue, accompagnée et amplifiée par un Poème Harmonique en petite formation. Juste ce qu’il faut de musiciens pour jouer, sans chef apparent, une musique d’un naturel désarmant. Et puis, à la moitié du récital, l’invité surprise : un oiseau visiblement séduit par les premiers airs décide de mettre son grain de voix à contribution, en improvisant quelques duos. Un moment étonnant comme seuls les festivals peuvent en offrir. Une publicité en or pour cette soirée, et toutes celles d’un festival Pulsations 2023 qui réserve encore quelques surprises à venir…