FESTIVAL – Pulsations, le rendez-vous bordelais de l’ensemble Pygmalion présentait mardi 20 juin une affiche un peu spéciale : Philippe Katerine est aux anges ! avec l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine. Un pot-pourri bien mûri par Lucas Henri, auteur d’arrangements qui ont fière allure.
À la vue de l’affiche du dernier concert du festival Pulsations, on se demande si on a pas un peu abusé du Bordeaux : Pygmalion invite Philippe Katerine à jouer avec un orchestre symphonique. Euh… Que pasa ?
Clo-clown ?
Raphaël Pichon, directeur artistique de Pulsations le dit lui-même : « Le festival est le lieu de tous les possibles ». La preuve avec ce drôle de concert crée en janvier lors de l’Hyper week-end festival, et donné une nouvelle fois, devant un public bordelais visiblement impatient d’applaudir la nouvelle folie de sa prima donna d’un jour. Sous des hourras dignes d’un raout estival de plein-air, Philippe Katerine entre sur la scène, devant un Orchestre National Bordeaux Aquitaine bien rangé, en plein effectif, comme pour une symphonie de Mahler. Tenue blanche immaculée, colle pelle à tarte et pattes d’eph’ : on est plus proche de Claude François que de Renée Flemming…
Et on sourit en le voyant arriver au bras de Julie Depardieu. On s’attendrit devant leur premier dialogue qui donne le ton de ce qui va suivre : « -Tu vois, elle a une bonne odeur. Elle a une odeur quoi, d’encre sur du bois un peu ? -Oui, ou comme quand tu t’allonge dans un lit bien frais, après une bonne journée de merde… » On se demande dans quoi vont nous embarquer les deux oiseaux.
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Un pro
Et alors, Bastien Stil lève le bras, l’orchestre respire, et tout de suite la magie opère. Philippe Katerine démarre a capella, en ayant attrapé sa note dans le brouhaha de l’orchestre qui s’accordait quelques secondes plus tôt. Juste et pro, musicalement en place et visiblement très à l’aise dans l’exercice, il prouve pendant tout le concert ce qu’on savait déjà : ses chansons sont un peu barjos, ses textes (faussement) naïfs, mais la musique est diablement précise, redoutablement carrée. On est bien face à un sacré musicien, et c’est la première leçon de la soirée.
Philippe Katerine est aux anges : l’orchestre aussi !
La deuxième, c’est que quand on est un bon musicien, on est généralement bien entouré. En l’occurence, en demandant à Lucas Henri, contrebassiste de l’Orchestre Philharmonique de Radio France (qui a créé les oeuvres), de réaliser les arrangements de ses chansons, Philippe Katerine a visé juste ! Quand un orchestre accompagne une star de la variété, c’est joli, ça sonne bien, mais c’est souvent assez pauvre. Ici, chaque musicien de l’Orchestre National Bordeaux Aquitaine a son petit grain à moudre, personne ne s’ennuie et ça se sent ! Le chef Bastien Stil est au four et au moulin, visiblement emballé par la partition qu’il déroule devant le public. Dans la salle, le fan de Katerine et heureux de reconnaître ses mélodies préférées au détour d’un trait, et le mélomane est comblé par leur savante mise en lumière.
Curieusement, la vraie force de ce programme est là, dans le sérieux musical qui transpire de chaque note. On s’attend à un show déjanté, et on assiste à des moments de grâce. Pas de Banane, pas de Bisous, mais une grande porte ouverte sur l’univers poétique d’un artiste qu’il est bon de creuser, derrière le tiroir bien rangé du clown foutraque. Car on le sait maintenant, Philippe Katerine est dérangé. Mais, sérieusement…