AccueilA la UneCafé Müller à la Villette : Violence répétée

Café Müller à la Villette : Violence répétée

DANSE – Café Müller : une des œuvres les plus personnelles de Pina Bausch qui parle de solitude, de désir, d’errance, de pouvoir, de la relation difficile avec les autres mais aussi des problèmes de communication homme – femme. Une œuvre violente pouvant créer chez le spectateur un sentiment de malaise, donnée en ce moment à la Grande Halle de la Villette. 

Café Müller : la madeleine de Pina

Créé en 1978, Café Müller est l’une des œuvres fondatrices du mouvement Tanztheater (Théâtre de la danse) et l’une des créations les plus célèbres de Pina Bausch. C’est aussi l’une des plus personnelles de la chorégraphe allemande car elle nous plonge dans l’intimité de son enfance. Lors de la seconde guerre mondiale, les parents de Pina tenaient un bar-hôtel à Solinger et petite fille, elle se cachait sous les tables pour observer et écouter les adultes. « Il y avait tant de gens et il s’y passait toujours tant de choses étranges. » dira-t-elle. Devenue grande, elle reproduit ce café, une pièce remplie de chaises et de tables dans laquelle six danseurs se mouvent dans cet espace encombré et parfois cognent violemment leurs corps avec les éléments du décor (chaises, tables, baies vitrées) sur une musique de Purcell. 

Une distribution rajeunie pour une pièce exigeante 

Trois distributions de six danseurs s’alternent pour ce café Müller sur trois créneaux horaires, 17h, 19h et 21h à la Grand Halle de La Villette. Le chorégraphe français Boris Charmatz, directeur artistique de la Tanztheater depuis août 2022 a alors fait un mix entre les membres de la compagnie et les artistes invités. Il a relevé le défi de reprendre ce chef d’œuvre et d’en rajeunir la distribution. Il faut dire que Pina elle-même l’a interprété jusqu’en 2008, un an avant sa mort. Il préfèrerait « qu’à l’avenir tout le monde puisse danser Café Müller. Tout le Tanztheater, le public et moi-même peut-être aussi un jour. Je vois cette pièce comme un laboratoire ».

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La grande boucle de Pina

Et pourtant en sommes-nous vraiment capables ? Pour le spectateur lambda un peu douillet, danser Café Müller relève du défi vu l’intensité des mouvements et le nombre de chutes à encaisser. Les danseurs sélectionnés avaient cette rage de danser et la volonté de ne jamais abandonner malgré tous les coups à encaisser. On y retrouve le langage chorégraphique de Pina avec les gestes iconiques qui sont un peu sa signature : les poignets vers l’avant, les déhanchés suggestifs des femmes, les bras étendus, les gestes répétés à l’infini. Comme le disait Pina « La répétition ne change rien dans l’objet qui se répète, mais elle change quelque chose dans l’esprit qui la contemple ». Cette répétition de gestes violents ne peut que provoquer chez le spectateur un sentiment de malaise et lui ancrer des images dont il se souviendra pendant très longtemps. Boris Charmatz est dans ce même état d’esprit de boucle infernale, comme il l’explique lui-même : « Mon rêve est que Café Müller ne se termine jamais. J’aimerais bien développer une version de 8 heures qui fonctionnerait comme une exposition dans laquelle entrer à tout moment. » Une pièce qui ne se finit jamais, comme cette porte tambour au fond qui ne se referme jamais et qui ouvre le champ sur un autre monde. Un monde où tout est possible. 

Danse entravée… © Bettina Stoess 
Solitudes

Une danseuse les yeux fermés et bras tendus déambule dans ce café puis se cogne et tombe, un homme lui ouvre le passage en déblayant violemment les objets. Les chaises sont là comme obstacles à la liberté de mouvement. Une autre danseuse entre dans cet espace encombré puis disparaît. Tout ça a lieu sur la musique La Lamentation de Didon (Didon et Énée) d’Henry Purcell. C’est un savoureux mélange entre théâtre et danse. Pina Bausch a créé ce « théâtre de la danse », où les danseurs se mouvent, se sentent, se désirent, s’attrapent et se touchent avec violence ou tendresse. Leurs corps sont violentés, ils se tapent contre les chaises, les vitres ou d’autres corps. Ils tentent en vain de s’apprivoiser mais finissent toujours seuls. La solitude et l’errance des hommes l’emportent sur tout. 

Violences répétées © Uwe Stratmann
Homme / Femme : l’effondrement

L’un des autres thèmes majeurs évoqué dans cette pièce est l’incommunicabilité entre homme et femme. Un mouvement répétitif violent l’illustre parfaitement où un homme porte sa compagne dans ses bras et la laisse tomber. Puis elle l’embrasse et remonte dans ses bras aidés par un troisième danseur, figure d’autorité. Ce mouvement est réalisé une dizaine de fois de plus en plus rapidement jusqu’à ce que le troisième interprète s’en aille. Mais la femme ne renonce pas et continue de monter dans les bras de son amant et d’en tomber. Ce geste absurde et violent provoque certains rires dans le public. Mais comment peut-on rire de cette scène, si ce n’est un rire gênant celui de l’absurdité de la situation ? De l’humour noir sans doute… Mais en 2023, peut-on encore rire de cette situation ?  

Une œuvre qui ne peut laisser indifférent  

Cette œuvre de Pina, ses scènes violentes, sans textes et parfois sans musique perturbe le public et nous interroge. Lors de ces passages silencieux, on pourrait entendre une mouche voler. Bref une œuvre qui ne laisse personne indifférent, et surtout pas le réalisateur culte Almodovar qui en montre une séquence dans Parle avec elle. Un chef d’œuvre de la danse contemporaine sans aucun doute à découvrir absolument.

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