AccueilA la UneUne abbaye et des Lieder : Royaumont façon romantique

Une abbaye et des Lieder : Royaumont façon romantique

CONCERT – Immergés dans l’histoire et la vitalité de cette Abbaye dans la première partie de cet article, en voici la seconde relatant le concert dominical, clôture d’une masterclasse de la 6e édition de l’Académie Orsay-Royaumont

Commencez par la première partie de cet article - Mélodies en abbaye : la clé (musicale) sur le seuil de Royaumont

En dernière partie de journée venait le concert dont la session de travail nous avait donné un avant-goût. Au programme : les quatre duos de lauréats, un duo des maîtres (Matthew Rose et Brian Zeger) et un quasi tutti pour le finale. Nous n’irons pas par quatre chemins : le niveau était redoutable.

quand l’art et l’histoire donnent envie de se « cloîtrer » un dimanche (CC 3.0 Clicsouris)
Fenêtre sur cloître

Accompagné au piano par son binôme Gyeongtaek Lee, le baryton-basse Jeeyoung Lim savait mettre dans sa diction toute la malice qui fait à nos yeux la vraie grâce de cette tessiture. La voix portait avec puissance et homogénéité, le phrasé était exact et précis. Il était tout à fait jouissif de se laisser porter par la présence souriante et confiante d’un chanteur qui maîtrisait à merveille sa tessiture. Le choix des pièces était éclairé, et permit de mettre en avant la virtuosité de Jeeyoung Lim dans les passages animés. Les sauts d’intervalles révélaient une belle souplesse, et la rondeur du timbre était enrichie par un vibrato savamment dosé.

Venait ensuite la performance de Joël Terrin et Cole Knutson. Nous avons situé la voix de Joël Terrin entre baryton et ténor, et avons eu plaisir à nous laisser surprendre par son ampleur. Le début du programme était tout à fait espiègle et nous permit de profiter de la qualité du détaché. D’une manière générale, la suite des morceaux mit en lumière une grande intelligence du phrasé. La délicatesse des médiums pouvait aisément devenir plus furieuse et intense en s’envolant vers les aigus, qui avaient pour leur part de parfaits accents triomphants. On pourrait encore saluer la puissance d’une colonne d’air qui servait avec brio la prosodie, et qui restait à l’aise dans les nuances les plus ténues.  

Si le programme s’était jusque-là surtout contenté de proposer du Schumann et du Schubert, Emma Roberts et Emma Cayeux nous proposèrent elles le cycle des Lieder eines Fahrenden Gesellen de Mahler. Avec Emma Roberts, nous passions à une tessiture mezzo-soprano, quoique là encore très changeante et difficile à enfermer dans une case. Nous avons observé au cours de cette partie du concert une aptitude brillante à restituer la charge émotionnelle d’un texte. La fermeté de la chanteuse se montrait toujours saisissante mais jamais excessive. Emma Roberts sait créer à merveille l’illusion poétique et artistique d’un trouble intérieur, et nous avons tremblé devant la majesté et la maîtrise technique des notes tenues. Nous avons également pu sentir combien les frontières entre le Lied et l’opéra peuvent se faire ténues quand l’interprète sait rendre sa prosodie aussi dramatique et torturée, brillante et opiniâtre.  

Lieder Eines Fahrenden Gesellen – Chants d’un compagnon errant (parce qu’il n’a pas trouvé l’abbaye-relais pour se reposer)

Venait enfin la performance d’Iida Antola et Anni Laukkanen, après un interlude des deux maîtres. Nous avons pu apprécier les accents de la soprano, qui prenaient toujours le temps d’un élan somptueux avant d’éclater. Le choix du répertoire (Sieben Frühe Lieder d’Alban Berg, que nous trouvons particulièrement ardus) permit de mettre en avant la grande richesse du relief dont cette voix était capable – sans décrochages ni attaques abruptes. Les points culminants de la ligne mélodique, évidemment aigus voire suraigus, étaient justes et puissants, et le vibrato là aussi parfaitement dosé. Les passages plus graves n’étaient pas en reste et se montraient expressifs. Il reste frappant de voir combien le parcours tonal et mélodique de ces morceaux semble erratique et difficile à anticiper pour le spectateur, ce qui ne manque pas d’engendrer de multiples effets de surprise ; autant de falaises et de gouffres de la ligne de chant sur lesquels nous avons eu plaisir à nous pencher.

Royaumont Presents

Des vertiges, donc, ainsi qu’une fenêtre sur cour, et une abbaye… Tout cela fait très Hitchcock nous direz-vous. Mais nous tenons à vous rassurer : l’aventure se termine toujours bien à Royaumont.  

Les réfectoires servent toujours des nourritures, spirituelles et artistiques (CC 4.0 Pierre Poschadel)
image de Une : CC 4.0 Pierre Poschadel
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