FESTIVAL – Le 20 août dernier, au festival de La Chaise-Dieu (Haute-Loire), l’Orchestre national Auvergne-Rhône-Alpes, dirigé par Jean-Jacques Kantorow, se produisait dans deux œuvres de Mendelssohn et le Triple concerto de Beethoven, avec le pianiste Alexandre Kantorow (le fils de Jean-Jacques), le violoncelliste Aurélien Pascal et la violoniste Liya Petrova. Deux jours après, ces mêmes protagonistes donnaient le même programme, cette fois-ci aux Rencontres musicales de Nîmes (Gard). Alors, on a pris les mêmes et on a recommencé ? Pas tout à fait.
Il est toujours bon de saluer la naissance d’un nouveau festival. Les rencontres musicales de Nîmes en sont à leur deuxième année d’existence, et le concert d’ouverture du 22 août laisse augurer d’un bel avenir pour cette manifestation ! Alors que la canicule se déployait majestueusement, étendant ses bras brûlants sur le Piémont cévenol, les Jardins de la Fontaine, un havre de fraîcheur au cœur de Nîmes, accueillaient 600 personnes assises pour un concert en plein air de grande tenue. On l’a dit, ce concert s’était déjà donné deux jours avant au festival de La Chaise-Dieu.
Retrouvez ici la recension qu'en fit notre collègue José Pons : Kantorow de père en fils à La Chaise-Dieu
Un concert a(Nîmes)é !
Mais les conditions n’étaient pas les mêmes. Si, à La Chaise-Dieu, l’Abbatiale Saint-Robert, à l’acoustique parfaitement maîtrisée et à la température supportable, accueillait le concert, à Nîmes, les choses furent plus aventureuses : concert démarré volontairement avec une bonne vingtaine de minutes de retard, car, comme l’expliqua en préambule son directeur, Philippe Bernhard, « on perd un degré par demi-heure ». Concert mouvementé ensuite, le vent faisant valser les partitions et demandant aux musiciens de l’orchestre une maîtrise fine de l’art de la pince à linge ! Concert à l’acoustique délicate enfin, nécessitant une sonorisation du Triple concerto de Beethoven, afin que les parties musicales des trois solistes ne se perdent pas dans l’immense espace dégagé.
Qu’à cela ne tienne, ces aspects un peu rock’n roll n’ont pas empêché la grande musique symphonique d’avoir le dernier mot, dans une ambiance chaleureuse (pour le moins !), amicale et même familiale.
De la musique d’extérieur
La première partie donna à entendre l’ouverture Les Hébrides et la 4ème symphonie, dite « Italienne », de Felix Mendelssohn. Autrement dit, deux œuvres d’extérieur, l’une décrivant une légende écossaise courant sur la lande et l’autre chroniquant musicalement le voyage ultramontain du compositeur, de la douce lumière toscane à une danse endiablée en passant par une procession de pèlerins. Un cadre en accord avec le programme, donc, avec un orchestre vaillant, aux musiciens et au chef ne déméritant pas, malgré la température élevée.
Un moment suspendu
Après un long entracte, sans doute destiné à ménager le plus de fraîcheur possible pour les solistes, l’orchestre et son chef ont été rejoints par le pianiste Alexandre Kantorow, le violoncelliste Aurélien Pascal et la violoniste Lyia Petrova, pour le Triple concerto de Beethoven. Trois musiciens de grand talent, amis dans la vie et complices musicaux, exerçant notamment conjointement la direction artistique… des Rencontres musicales de Nîmes ! Cette complicité des solistes entre eux mais aussi vis-à-vis du public s’est sentie, notamment dans le respect de l’écoute mutuelle, rendant le moment un peu suspendu. Il faisait enfin moins chaud, le vent semblait s’être calmé et la musique élégante et raffinée de Beethoven pouvait sereinement s’exprimer, dans ses aspects tuttistes comme dans ses aspects chambristes. Sans oublier une magnifique accolade à la fin, entre le père, Jean-Jacques, le chef, et le fils, Alexandre, le pianiste.
Un public una(Nîmes)
Alexandre Kantorow qui était là dans un registre peu habituel : lauréat du prestigieux concours Tchaïkovsky de Moscou, ses partitions-compagnes sont plutôt celles des concertos de Saint-Saëns ou de Rachmaninov. Pour ce Triple concerto de Beethoven, il a semblé avoir un plaisir manifeste, lui habituellement plutôt sobre dans ses expressions, à ciseler les lignes beethoveniennes, paressant replier ses doigts pour mieux se mettre à l’unisson de tous. Et c’est en chambriste que ce concert s’est achevé, les trois solistes interprétant successivement en bis et en ter le 3e et le 2e mouvement du Premier Trio avec piano de Beethoven, pour la plus grande joie du public.