FESTIVAL – Le festival de Laon (Aisne) s’est ouvert mardi 12 septembre, avec un concert des Siècles, orchestre fidèle au rendez-vous annuel que propose son directeur, Jean-Michel Verneiges. De Mozart à Ligeti, on ne voit pas le temps passer…
Le temps est le meilleur bâtisseur de l’amitié. Il est aussi son témoin et sa conscience, écrivait Tahar Ben Jelloun. Heureusement, dans son tourbillon de relations humaines complexes, tortueuses et parfois peu loyales, le monde classique recèle quelques belles aventures humaines. Celle qui lie Franois-Xavier Roth, chef et fondateur des Siècles et Jean-Michel Verneiges, directeur du festival de Laon et personnalité rayonnante du département de l’Aisne, semble se renforcer, avec le temps.
Laon dernier : et tous les autres !
Depuis 2007, il n’est pas une édition du festival de Laon qui ne reçoive les Siècles et leur chef, visiteurs fidèles qui, au-delà des concerts, participent à l’année à des actions de territoire. L’ensemble qui fête ses 20 ans cette année et qui tourne presque autant que son chef (F-X Roth est le chef invité principal du London Symphony Orchestra et directeur musical de la ville de Cologne) arrive à dégager une date pour Laon. Quand on aime, on trouve toujours du temps…
Laon 40 : Histoire éclairée
Le temps justement, voilà une affaire qui regarde de près les musiciens des Siècles. L’identité de l’orchestre est tellement liée à la notion de fidélité à l’Histoire de la Musique que chaque programme est joué sur des instruments qui auraient pu être ceux de leur création. Quand on joue des contemporains comme Ravel et Debussy, Saint-Saëns et Fauré ça va, mais quand on se lance dans un programme qui enchâsse Ligeti (né en 1923) entre deux symphonies de Mozart, il vaut mieux être un peu souple. Il faut s’assurer que les cordes en boyau restent accordées, et que les modes de jeu s’adaptent aux sonorités voulues par les compositeurs. Parce qu’on ne joue évidemment pas Mozart comme Ligeti. Quoique…
Laon-gages
Voilà la trouvaille du soir : la matière sonore. Au-delà de la qualité d’interprétation attendue par des cadors comme Les Siècles, c’est le jeu de timbres qui épate. En mettant en regard deux styles que deux siècles séparent, l’oreille est surprise par un dialogue possible, en filigrane. Le jeu de sourdine sur les boyaux des cordes dans le mouvement lent de la Symphonie n°41, dite « Jupiter » prend un drôle de sens quand on a entendu, quelques minutes avant, le bruissement des arbres dans la partie centrale du Concert Romanesc de Ligeti, courte pièce de jeunesse qui laisse entrevoir le travail sur la superposition mélodique du reste de son oeuvre.
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Le sceptique en nous se disait que François-Xavier Roth avait trouvé un moyen détourné de faire venir le public pour entendre Ligeti en l’associant à la coqueluche Mozart. En sortant du concert, on comprend le projet derrière l’affiche : Les Siècles prennent le temps comme un terrain de jeu, et organisent en fait un grand dialogue entre les musiques qui le traversent. On comprend aussi pourquoi la cathédrale – véritable miracle à faire pâlir d’envie un ingénieur acoustique – est pleine à craquer ce soir d’ouverture de festival. La fidélité est récompensé, et on ira voir Les Siècles passer une fois l’an…à Laon !