DANSE – Bintou Dembélé investit la Villa Médicis avec Rite de Passage solo créé pour Michel Onomo, star des danses hip-hop. Cette pièce questionnante sera à retrouver notamment au musée de l’Orangerie en juin prochain.
Un lieu somptueux : la Villa Médicis à Rome
La Villa Médicis accueille en ses murs l’Académie de France à Rome depuis 1803. Institution créée en 1666 par Louis XIV chargée d’accueillir des pensionnaires, elle continue aujourd’hui cette mission à laquelle s’ajoute une vie culturelle intense avec un festival de films, des spectacles et de nombreuses expositions. Ce soir c’est un public féminin quinquagénaire à la fois italien et français qui se presse pour découvrir la chorégraphe française Bintou Dembélé.
Bintou Dembélé : chorégraphe star du hip-hop
Bintou Dembélé artiste associée aux Ateliers Médicis en Seine-Saint-Denis est donc déjà passée par la Villa Médicis en 2021 en tant que résidente. La chorégraphe au style hip-hop mais pas que, a été très médiatisée lors des 350 ans de l’Opéra de Paris. C’est elle qui a signé les chorégraphies de l’opéra-ballet Les Indes galantes de Rameau.
Réduisant considérablement son effectif de danseurs, elle propose cette fois-ci un solo interprété par Michel Onomo également connu sous le nom de Meech. Le danseur est sacré quatre fois vainqueur de Juste debout, concours annuel des danses hip-hop à Paris.
C’est dans le grand salon du pavillon central que l’on est attendu. Les chaises sont placées le long des murs. Pieds nus, en jogging et sweat à capuche, le danseur est déjà assis parmi les spectateurs. Quand tout le monde est enfin installé et silencieux, l’homme se lève, enlève son sweat. Si la musique de Charles Amblard donne envie de danser à ma voisine qui tape du pied, le danseur lui choisit une marche très lente en levant progressivement les bras.
Une danse puissante et énergique
La danse est puissante et énergique. Les sauts sont nombreux et Meech enchaîne les tours sur lui-même sans jamais perdre l’équilibre ou l’intensité du mouvement. Les pas sont parfois désarticulés, chaque partie du corps semble complètement indépendante des autres. Un tremblement partant de son fessier parcourt ensuite son corps tout entier de plus en plus fortement. Le danseur est ancré dans le sol ce qui lui permet d’explorer une liberté du haut du corps.
Le mouvement est déclenché sans préavis, comme si le danseur était en lutte permanente avec une force extérieure. Il se frappe le ventre et semble encaisser des coups imaginaires. Le danseur mime parfois les instruments du bout des doigts. Il se laisse emporter par la musique. Mais parfois elle laisse place à la respiration de l’interprète.
Marcher et transpirer
La marche est omniprésente. Soit très petite, soit très lente, parfois en cambrant le dos, ou en décortiquant à outrance le pas elle se révèle très créative. La transpiration est omniprésente. Très vite, le corps du danseur est luisant de sueur. Il passe sa main sur son front et jette les gouttelettes de sueur au sol. Lorsqu’il se frotte les bras, est-ce pour se laver, enlever la poussière ou la transpiration ?
Un sens qui échappe au public
Cette proposition semble investie d’un sens qui échappe au public.
Quelques spectateurs lisent le programme pendant le spectacle pour tenter de comprendre ce qui se joue sous leurs yeux. Ma voisine converse avec son mari plus d’une fois, mais ne comprenant pas assez bien l’italien le sens de ses commentaires m’échappent. Lorsque le danseur est immobile, sans musique, plus d’un spectateur dubitatif et gêné gesticule sur sa chaise, essayant de regarder l’heure plus ou moins discrètement.
Une proximité faussée
Le danseur est souvent très proche du public spatialement même s’il semble très éloigné conceptuellement. Il ferme parfois les yeux ne faisant qu’un avec la chorégraphie et la musique mais sa passion n’est pas forcément communicative. Le public se demande s’il est vraiment le destinataire de cette proposition ou si le danseur ne danse que pour lui.
Une proposition introspective difficile à comprendre
La proposition très introspective est difficile à comprendre pour le public. Il en ressort plus d’interrogations que d’émotions. Gare à celui qui entre dans la salle sans s’être renseigné au préalable sur la pensée de l’artiste. Bintou Dembélé est en effet connue pour son travail autour du marronnage. Le terme à l’origine désigne la fuite des esclaves africains hors des plantations pour créer des sociétés nouvelles. Progressivement cela désigne les artistes à la conquête d’un espace de liberté. Ainsi avec ce concept clé en tête il semble plus facile d’appréhender le spectacle.
À lire également : À Chaillot, la réalité augmentée, la danse un peu moins…
Si le danseur et la chorégraphe sont globalement applaudis, ma voisine incline son pouce vers le bas et détonne plusieurs fois des huées désapprobatrices. Alors est-ce le public qui n’a pas su comprendre la proposition, ou est-elle trop conceptuelle ?
Pour se faire son avis, un extrait de Rite de passage est disponible en streaming ici.