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La semaine astronomique de l’Opéra de Bordeaux

CONCERTS – L’Opéra National de Bordeaux a fait un joli coup en ce mois d’octobre. À trois jours d’intervalle, Martha Argerich et Evgeny Kissin ont défilé sur la scène de son auditorium. Chacun son répertoire, chacun son couloir (aérien bien sûr). Sortez les télescopes et faites un voeu : c’est la semaine des étoiles !

Juin 2023, auditorium de Bordeaux. C’est un Emmanuel Hondré visiblement fier qui s’avance devant le public d’abonnés conviés à la présentation de la saison de l’Opéra National de Bordeaux, qu’il dirige pour la deuxième année. Sur la troisième semaine d’octobre, il s’arrête un peu, peut-être encore incrédule à l’idée de révéler les deux noms qui vont l’occuper : Martha Argerich, Evgeny Kissin. Les deux, dans la même semaine, dans la même salle, à Bordeaux. Chacun dans son couloir de prédilection : Rachmaninov pour Kissin, Debussy pour Argerich. Gros coup, à deux semaines de l’Esprit du piano, Ze rendez-vous bordelais des amateurs de clavier.

Une vague rumeur se propage alors dans le public. Martha Argerich, vraiment ? Elle qui a annulé tant de concerts en début d’année, et dont l’actualité laissait anticiper un retrait de la scène ? Dans le doute, vite, on prend une place, même trois mois avant le concert. Desfois qu’elle vienne…

La galaxie Argerich

Mais oui, elle est venue Martha ! Nous, chez Classykêo, on le savait déjà. On était dans la salle quand la légende vivante du piano a réuni son écurie de musiciens maison à Chantilly, quelques jours avant son récital bordelais. N’empêche, on y est retourné, ce 17 octobre, à l’Auditorium. En bons jeunes premiers de la critique classique, c’était la première fois qu’on la voyait sur scène. Pour beaucoup de bordelais aussi, peut-être… Mais la légende a probablement précédé l’artiste, à en juger par les applaudissements prolongés qu’elle a reçus à son entrée sur scène, et qu’elle a dû interrompre, peut-être un peu gênée, en s’asseyant au tabouret, faisant ce pourquoi elle était venue, plus que de recevoir les honneurs : jouer.

Débarrassée de l’impératif de plaire, de faire ses preuves, Madame créé ses programmes de concert selon son bon plaisir. Elle s’y entoure des musiciens qui lui plaisent plus que de ceux qu’un label lui impose, et laisse le coeur parler dans sa composition d’équipe. Pour ce soir ce sera Stephan Kovacevich en binôme au piano, Edgard Moreau au violoncelle, et Geza Hosszu-Legocky au violon. Le musicien ukraino-hongrois est de ces « happy fews » qui prêtent son violon aux doigts de la grande Dame du piano.

Dans la Sonate pour violon et piano n°1 de Schumann, la magie opère, mais pas celle qu’on attendait. C’est un récital pour violon seul, une démonstration du son magique de cet héritier de la tradition tzigane d’Europe de l’Est. Martha, elle, assume le second plan. Elle se rattrapera largement dans la séquence Debussy, où sa science des plans sonores en fera la capitaine d’un grand vaisseau de musique, aux manettes depuis son poste de commandement, perchée là-haut dans un ciel qui n’est que musique.

Evgeny Kissin : Rachmaninov sur orbite

À peine le temps pour le public bordelais de digérer le repas étoilé du mardi : on remet le couvert, dès le vendredi ! On décale le sextant de quelques degrés à l’est, vers un autre corps céleste : Evgeny Kissin, satellite lancée depuis près de 40 ans en orbite autour d’une supernova du nom de Rachmaninov. Pour les cent-cinquante ans de la naissance de ce géant, le prodige encore fringant a ressorti des tiroirs une des oeuvres qui a fait son succès : le Concerto n°3 pour piano et orchestre. Un sommet du genre, que le pianiste prévu pour la création avait déserté en 1909, trouvant son exécution impossible.

Histoire de poser le contexte : Evgeny Kissin à 15 ans, dans le concerto N°1 de Tchaïkovski, avec Herbert von Karajan. Voilà voilà… © medici.tv
À lire également : Evgeny Kissin, les montagnes russes

Si le discours et la clarté des plans sonores souffre à peine de la performance de Kissin, le pianiste de 52 ans réussit un tour de passe-passe bluffant, en nous faisant oublier la difficulté technique de cette musique redoutable ! La charge émotionnelle est là, transcendante du début à la fin, irrespirable pendant les 50 minutes d’exécution. Même l’orchestre semble ahuri de la performance, un de ses membres nous confiant à l’issue du concert avoir eu besoin de quelques instants pour se remettre de la cadence du premier mouvement. Comme nous, il a été lâché en plein vol par le silence qui a suivi. On avait envie d’applaudir à tout rompre, pour faire taire le bruit assourdissant de notre coeur, mais il restait encore bien des merveilles à révéler. On a gardé le triomphe pour la fin d’un concert qui achève avec fracas cette semaine inouïe.

Pour le public bordelais, il faudra patienter encore un peu avant de voir s’effacer la trace qu’ont laissé ces deux astres rares dans l’obscurité tranquille de l’auditorium de Bordeaux. Comme le passage d’une comète dans un ciel sans nuages. Sauf qu’à Bordeaux, en ce début d’automne, elles étaient deux !

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