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Flûte alors !

COMPTE-RENDU – Le cinéaste et réalisateur Cédric Klapisch s’essaye à la mise en scène d’opéra, avec La Flûte enchantée, pour encore cinq représentations au Théâtre des Champs-Élysées (Paris). Un spectacle de bon aloi qui rend bien l’esprit de l’œuvre mozartienne, à défaut de bouleverser le propos scénographique.

Un cinéaste à succès

Cédric Klapisch est l’auteur de plusieurs films à succès : Le Péril jeune, L’Auberge espagnole, Les Poupées russes, Ma Part du gâteau… Chacun se caractérise par une galerie de portraits séduisants et attachants, qui fait de lui un cinéaste populaire. En 2022, il réalise le film En corps, avec Marion Barbeau, Hofesh Shechter, Denis Podalydes, Muriel Robin, Pio Marmaï, François Civil et Souheila Yacoub :

En corps, bande-annonce officielle

Il y parle, avec justesse et sensibilité, du monde de la danse, à la fois sans pitié et magique. Assez logiquement on le retrouve, dans la continuité, à s’essayer à la mise en scène d’opéra. Prudemment, il commence par un opéra plutôt facile à aborder : La Flûte enchantée, de Mozart. Sorte de conte initiatique, au plateau peu important, son intrigue est assez simple (pas vraiment un Casse-tête chinois…), même si un peu tarabiscotée. C’est l’histoire d’un prince (Tamino) qui aime une princesse (Pamina) et qui doit affronter une série d’épreuves s’il veut la conquérir, sur fond de complexe d’Œdipe entre la princesse et sa mère, la fameuse Reine de la nuit ((y aurait-il Un Air de famille entre les deux ?). Le couple prince/princesse a son pendant populaire avec l’oiseleur Papageno et sa promise Papagena.

Papageno, Tamino et les 3 Dames © Vincent Pontet
Un opéra populaire

Écrit au cours de la dernière année de vie de Mozart, cet opéra frappe par sa joie de vivre et son accessibilité, tout en étant d’une grande beauté musicale. Il y est question d’idéaux élevés, d’humanité et d’universalisme, bref, tout Ce qui nous lie, le tout traité avec un contrepoint léger, voire comique. Destiné au public du Theater auf der Wieden de Vienne, et non fruit d’une commande d’un mécène privé, il veut parler à tous. C’est un Singspiel, qui alterne le parler et le chanter, comme le fait un opéra comique.

Pour abonder dans ce sens, Cédric Klapisch a pris le parti, plutôt réussi, de traduire les passages parlés en Français, n’hésitant pas à pratiquer l’anachronisme. Ainsi utilise-t-il, au risque de frôler Le Péril jeune, les expressions : « Il est amoureux ? De ouf » ou encore « Waouh, effectivement, tu fais prince ! », générant de légers rires dans la salle.

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Un plateau vocal qui tient la route

Évidemment, cela demande aux solistes de savoir passer de l’Allemand chanté au Français parlé, ce que Cyrille Dubois, en Tamino, réussit très bien. Il est d’ailleurs un prince très à l’aise dans son rôle, son beau timbre de ténor, bien placé, évoluant avec agilité et précision, tout comme sa gestuelle. La princesse Pamina de la soprano Regula Mühlemann est également séduisante. Son Français est très passable et sa voix légère et virevoltante a une vraie présence. Florent Karrer est un Papageno solide, roublard et attachant comme il convient pour ce rôle. La soprano Catherine Trottman est une Papagena amusante et crédible, tout comme Marc Mauillon, qui campe un Monostatos tout à fait détestable et ridicule, à toujours revendiquer sa Part du gâteau ! Les deux rôles « darons », pour rester dans les anachronismes, tenus par le basse Jean Teitgen (le mage Sarastro) et la soprano colorature Aleksandra Olczyk (la Reine de la nuit), souffrent par contre, étonnamment, d’un manque d’engagement et de fiabilité vocale (sont-ils vraiment En corps ?), rendant leurs prestations hasardeuses et peu réussies, et donnant l’impression que Chacun cherche son chat (dans la gorge).

Aleksandra Olczyck, le Reine de la Nuit © Vincent PONTET

Pour être complet, il convient de citer Judith van Wanroij, Isabelle Druet et Marion Lebègue, respectivement Première, Deuxième et Troisième Dame, qui forment un trio vocal parfaitement accordé, vocalement et scéniquement, façon Poupées russes. C’est également le cas pour les trois enfants de la Maîtrise des Hauts-de-Seine, dont les timbres s’accordent très bien et qui apportent engagement et grâce à l’aventure. Pour compléter cette Auberge espagnole, le chœur Unikantis est remarquable de justesse, de musicalité et de précision.

Cyrille Dubois (Tamino), enfants solistes de la Maîtrise des Hauts-de-Seine © Vincent Pontet
Un bijou musical

Il faut dire que la musique, dans son ensemble, est merveilleuse, tant dans son écriture musicale que dans son interprétation. Si La Flûte enchantée ne brille pas par la richesse de son livret, sa musique est véritablement ciselée et empreinte d’une grande noblesse. Les duos, trios, quatuors et quintettes vocaux sont des diamants à multiples facettes et les chœurs déploient une élévation et une grandeur qui pourraient les laisser croire tout droit sortis du répertoire sacré.

MOZART – Das klingelt so herrlisch, das klingelt so schön (La Flûte enchantée)

Pour servir cette partition subtile, l’orchestre Les Siècles et son chef François-Xavier Roth excellent. De prime abord, l’ouverture sonne un peu acide et semble manquer singulièrement de coffre. C’est oublier que l’orchestre joue sur instruments d’époque, c’est-à-dire datant de la fin du 18e siècle, quand les cors étant encore naturels (sans palettes), les bassons, flûtes et hautbois de facture moins mécanisée et les cordes des violons en boyaux. Peu à peu, on s’habitue à ce son débarrassé d’un excès d’épaisseur et on se laisse prendre par la finesse sonore du résultat, à la dynamique parfaitement conduite par François-Xavier Roth.

Une mise en scène réduite au minimum

Et la mise en scène, dans tout ça ? Disons qu’à défaut d’apporter quelque chose de nouveau, elle s’inscrit dans l’intention du livret. Même si on peut s’étonner que, de la part d’un cinéaste aussi accompli, les ajouts vidéos soient si peu fournis et parfois peu heureux, comme ce serpent au design surprenant. Sans doute Klapisch a-t-il voulu rester prudent, pour ce premier essai à la mise en scène d’opéra.

Si, au moment des saluts, on a entendu une partie de la salle maugréer contre la mise en scène, sa grande majorité a largement et chaleureusement applaudi cette production, accordée, finalement, au propos populaire et universel voulu par ses créateurs, le librettiste Emanuel Schikaneder et le compositeur Wolfgang Amadeus Mozart…

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