CONCERT – Simone Young dirige pour la première fois l’Orchestre philharmonique de Radio France pour une Symphonie n°5 de Tchaïkovski passionnée, introduite par le délicat Concerto pour violoncelle d’Elgar avec Nicolas Altstaedt, à l’Auditorium de Radio France.
Cible émouvante
« Ainsi frappe le Destin à ma porte » aurait dit Beethoven à propos de sa 5ème symphonie. Pour la sienne, Tchaïkovski fait quant à lui appel à la Providence avec son raffinement et ses angoisses qui lui sont propres. Le thème, empli de résignation, est exposé avec fermeté et constance par le clarinettiste Jérôme Voisin. Puis Simone Young emporte les musiciens de l’Orchestre philharmonique de Radio France dans une musique énergique, mouvante sans néanmoins jamais céder à la précipitation ou à la nervosité qu’une telle passion pourrait encourager. La gestuelle et l’interprétation de la cheffe australienne ne peuvent laisser indifférent. Sa direction est dansante avec des gestes très amples et tout aussi souples. Encourageant nombre d’élan pour les longs phrasés, elle refuse de proposer une musique tombant exagérément dans le pathos, d’abord en choisissant des tempi un rien plus rapides que ce dont on peut être habitué, surtout pour le deuxième mouvement Andante cantabile.
Le sublime solo du corniste Alexandre Collard reste indéniablement expressif, et le mouvement entier garde sa grande intensité émotionnelle. L’orchestre offre un son d’ensemble limpide, avec notamment un mouvement final Allegro vivace justement très vif, voire tourbillonnant. Certains pourraient regretter que cette direction ne se veuille pas proposer davantage de finesse dans le son et les dynamiques, empêchant alors, par un investissement très visible que certains qualifieraient d’agressifs, une progression par paliers. Si l’on reste admiratif de la qualité du Philharmonique et ému de cette œuvre déjà si puissante – récompensés par de forts et nombreux bravi lors des saluts –, l’ensemble de la symphonie peut ainsi sembler linéaire et finalement peu sensible.
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Sensiblement…différent
C’est que ce soir, la sensibilité et le raffinement viennent de là où on ne s’y attendait pas. La première partie du concert propose d’entendre deux œuvres d’Elgar. La première, beaucoup moins connue, est une œuvre de jeunesse pour quintette à vent, Harmony Music n°2. La mise en bouche manque sans doute d’un peu de sel, n’ayant pas la passion dévorante de la 5ème de Tchaïkovski, ni celle du fameux Concerto pour violoncelle d’Elgar défendu ici par Nicolas Altstaedt.
Vêtu d’un sarouel et d’une ample chemise noire, le violoncelliste peut d’abord surprendre, surtout lorsqu’il produit de fortes inspirations qui se rapprochent parfois du grognement. Pourtant, son jeu ne manque pas de caractère : son archet frotte quelques fois ses cordes avec une présence allant jusqu’à la saturation de certaines attaques mais, à côté de ce son rugueux et viril, Altstaedt se montre capable d’intentions pleines d’un raffinement qui peut suspendre le temps de quelques notes. Malgré quelques jolies couleurs piano dans le 3ème mouvement (Adagio), Simone Young ne parvient pas à proposer un accompagnement aussi subtil dans les contrastes des intentions, avec surtout un 4ème mouvement souffrant d’une certaine platitude. En guise de bis, le violoncelliste se fait accompagner du jeune deuxième violoncelliste solo Adrien Bellom pour une ultime preuve de délicatesse avec le 2ème mouvement de la Sonate en sol majeur de Jean-Baptiste Barrière.
Ainsi frappe Young au Philhar : une soirée passionnée avec Tchaïkovski, délicatement introduite par le violoncelle raffiné d’Altstaedt et chaleureusement saluée par les auditeurs.