DANSE– À l’occasion du festival Europalia qui bat son plein dans la capitale culturelle bruxelloise, le Théâtre National de Wallonie invite son public à découvrir le ballet traditionnel de Sukhishvili au service du thème de l’année : La Géorgie.
Expositions, concerts et spectacles autour de la Géorgie ponctuent le paysage Bruxellois pour la saison 2023-2024. Début novembre, Classykeo avait eu la chance d’assister à un concert galvanisant autour des voix et chants traditionnels géorgiens. La partie est remise : parte corporis ! Place aux corps, donc.
Coups de Ballet sur le théâtre
Le Ballet national géorgien, ou kartuli erovnuli balet’i, s’impose comme la première compagnie de danse professionnelle d’État en Géorgie. Fondée en 1945 par Iliko Sukhishvili et Nino Ramishvili, le ballet initialement nommé Compagnie de danse d’État géorgienne a acquis, par le privilège de sa qualité, une renommée internationale, se produisant dans des lieux prestigieux tels que l’Albert Hall, le Metropolitan Opera et même La Scala en 1967 ! (marquant une première historique pour un groupe folklorique).
Bloc (soviétique) Buster
Considérée par la presse internationale comme « huitième merveille du monde » ou « tempête sur scène » par le New York Post, la troupe se produit environ 300 fois par an ! Forte d’une fierté identitaire, la Géorgie à su conserver ses rituels malgré les invasions des peuples mongoles, perses, ottomanes et russes. À mi chemin de l’Asie et de l’Europe, l’identité caucasienne se présente au théâtre de Wallonie en délégation complète. Partagée entre la sensualité féminine et l’extrême puissance des danseurs qui se jettent dans les airs, crient et martèlent leur épée en réponse au flegme mystique des danseuses, la danse héroïque est à son apogée.
Outre la qualité traditionnelle du ballet géorgien, la garde-robe du Ballet Sukhishvili se compose d’une gamme étendue de tenues traditionnelles, conçues spécifiquement pour l’ensemble des danseurs. Chacun de ces costumes est confectionné à partir de tissus naturels méticuleusement ornés de broderies, de motifs peints, d’appliques, de sequins et de pierres précieuses, témoignant d’un artisanat riche et détaillé. Cliquetant en rythme, les parurent s’entrechoquent au rythme des tambours frénétiques.
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Carnaval caucasien
Chaque danse est présentée en décor et costume différent : les danse davlouri (robes masculines cintrées et ceinturées, bardées de cartouches), Simdi (robes aux longues manches), Kartouli (danse de séduction en duo sur le mariage, digne et patiente), Kazbegi (avec les toques touffues blanches des bergers) et les impressionnantes Khandjlouri, imitations de combats masculins, les rythmes étant ponctués par les étincelles des épées contre les boucliers. Bien entendu, nous n’éviterons pas d’aborder les danses qui font la fascination du public en nommant les danses Samaia, dont les danseuses semblent avancer sur des roulettes, glissant sur le sol avec grâces. Cette chorégraphie s’approprie l’essence du XIIe siècle et des représentations de la Reine Tamar I, archétype de l’art médiéval géorgien.
La direction artistique est aujourd’hui assurée par Tengiz Sukhishvili, fils des fondateurs en compagnie de son épouse Inga Tevzadze, elle-même ancienne danseuse et actuelle maîtresse de ballet.
Cette compagnie se compose de soixante-dix danseurs (50 sont présentes ici) et d’un petit orchestre. Les chorégraphies sont exécutées en harmonie avec les instruments typiques de la musique traditionnelle géorgienne. Parmi ceux-ci, on trouve des instruments à cordes tels que le pandouri, un luth à trois cordes, et le tchongouri, un luth à quatre cordes. Des instruments à vent comme le salamouri, une flûte à bec, et le doudouki, une variante de hautbois, accompagnent également ces danses. Les instruments à percussion ne sont pas en reste, avec le doli, un tambour à double face joué avec les mains, ou encore le garmoni, une forme d’accordéon qui a été introduit au XIXe siècle.
La danse folklorique géorgienne, bien loin d’être désuète, demeure vibrante et pertinente dans la société moderne. En tant qu’expression artistique ancrée dans le patrimoine, elle est activement promue et pratiquée dans les écoles. L’intégration de cette danse traditionnelle comme discipline sportive scolaire met en lumière son importance sociétale et la préservation de l’héritage chorégraphique.
Georgia on their minds
En rendant hommage à son riche héritage tout en embrassant l’évolution contemporaine, le ballet géorgien demeure un témoin vibrant de l’histoire et de l’identité, servi par une équipe passionnée. Célébration de la culture géorgienne, le Ballet Sukhishvili se révèle être un spectacle radical et énergisant dont la maitrise permet de s’adresser à un public universel.
Fait notoire, les danses géorgiennes s’exportent même dans l’espace : Le Ballet national géorgien et ses danseurs à longues jupes semblant glisser sur le sol a inspiré l’écrivain Terry Nation pour la création des extra-terrestres appelés Daleks dans la série télévisée « Doctor Who ». Les Daleks sont alors une espèces s’acharnant à la conquête et domination universelle. Surement moins agressif que les Daleks, mais tout aussi conquérant, le ballet Sukhishvili poursuit sa tournée quasi-universelle.