CONCERT – Ce jeudi 13 décembre à la Philharmonie de Paris, l’Orchestre de Paris et son chef Klaus Mäkelä présentaient, le baryton Peter Mattei à leurs côtés, un programme bien alléchant : notre contemporaine Unsuk Chin y introduisait l’indémodable Bach, puis le fiévreux et rigoureux Brahms répondait au percutant György Ligeti.
Une bonne vanne, avant de les ouvrir ?
Ligeti a indiqué la voie dans l’opéra Le Grand Macabre (1977) : on peut être terriblement sérieux en se moquant de Beethoven. Petite parodie orchestrale d’environ trois minutes composée en 2020, Subito con forza d’Unsuk Chin se présente comme un catalogue de gestes orchestraux, citations et réminiscences de Beethoven, d’effets d’attente et de surprise, de suspension dans de très hautes sphères de l’imagination sonore. Diablement efficace, la pièce a tout à fait sa place en ouverture d’un concert dédié au dialogue entre les époques et les continents : la découverte de la musique du Hongrois György Ligeti déclencha en effet la vocation de la Coréenne Unsuk Chin qui, rappelons-le, était à l’honneur du festival Présences de Radio France en février dernier. Ligeti arrivait en deuxième partie de programme. Les changements subreptices opérés à l’intérieur d’un continuum sonore dans Atmosphères, classique de l’avant-garde d’après-guerre (1961) bien connu des admirateurs de Stanley Kubrick, n’avaient pas grand-chose à voir avec le reste de la soirée, si ce n’est que les harmoniques cosmiques (des aigus parfois à la limite de l’insupportable pour nos oreilles) offrent sans conteste une expérience d’ouverture sur l’abîme. Very Beethoven…
La voix, sans son maître

Avant ça, place à Bach, dont la musique souvent qualifiée d’universelle est ô combien difficile. Le Ich habe genug (pourtant convaincant !) de Peter Mattei est accompagné par des musiciens qui semblent s’ennuyer de leur contribution à cette cantate, prière d’un croyant enthousiaste à l’idée de mourir. Le visage du chanteur frappe par l’implication sans faille d’un habitué de la scène qui n’hésite pas à sortir ses tripes. N’étaient cette rage d’un homme de théâtre accompli et le souvenir d’un immense Don Giovanni, il n’y aurait ici pas grand-chose à sauver. En plus de quelques problèmes de justesse et de synchronicité, l’orchestre fait fi des plus de 60 ans d’interprétations « historiquement informées » sur instruments d’époque, et entretient la bonne vieille tradition d’un style brillant, métronomique et implacable.
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Mäkelä en rythme de croisière

Les musiciens de l’Orchestre de Paris se montrent néanmoins soucieux des nuances et couleurs dans la Symphonie n°4 de Brahms, et Klaus Mäkelä, plus particulièrement, de l’équilibre d’ensemble. Le lien avec les autres œuvres à l’affiche est assez clair : Beethoven le symphoniste se tapit dans l’ombre tandis que Bach rappelle à Brahms les règles du contrepoint. Le romantique tardif y ajoute les vagues de la passion. Hélas, on passe ici à côté des magnifiques coloris populaires et mystérieux de l’Andante moderato, de ces irisations centre-européennes qui font de Brahms un Viennois fin de siècle. L’exquis rubato mélancolique du premier mouvement paraît lui aussi assez empesé. Dommage. On s’est toutefois rattrapé en savourant la verve pétaradante du scherzo et de l’Allegro energico e passionato conclusif.
Demandez le programme !
- U. Chin – Subito con forza
- J-S. Bach – Cantate BWV 82 « Ich habe genug »
- G. Ligeti – Atmosphères
- J. Brahms – Symphonie n° 4