BOULE DE CRISTAL – La période actuelle est trépidante pour la chanteuse, comédienne et danseuse Nevedya : interprète principale de Joséphine Baker, Le Musical, qui se joue actuellement à Bobino, elle a remporté le Trophée Musical de l’artiste révélation féminine en 2023. En plus de cela elle est, trois soirs par semaine, à l’affiche de Holidays Le Musical, au Théâtre de l’Alhambra et elle se produit au Crazy Horse certains soirs, en tant que maîtresse de cérémonie du spectacle « Totally Crazy ». Nous sommes allés à la rencontre de cette performeuse à l’énergie débordante.
Comment avez-vous décidé de vous lancer dans la comédie musicale ?
Mes parents m’ont poussé à avoir mon bac. J’avais peur de me lancer dans cette industrie que je ne connaissais pas. Mes parents avaient peur pour moi comme beaucoup de parents. Ils voulaient que j’assure mon avenir. J’ai fait une licence de langue et d’économie. Mais ça ne m’a pas apporté grand-chose car mon rêve était de faire la musique. Je compose depuis l’âge de 12 ans et je n’avais qu’une envie : être sur scène. J’avais juste peur car je n’avais pas de contacts dans le milieu. Mais j’ai suivi mon intuition en faisant des petits concerts en parallèle d’un boulot alimentaire. Puis j’ai accompagné des artistes sur scène en tant que choriste, comme Michel Polnareff, puis j’ai fait la tournée de Christophe Willem ou encore de Shy’m. Ensuite je suis partie vivre à Londres où je suis devenue la choriste du chanteur britannique Ed Sheeran. Je suis compositrice moi-même mais je n’ai pas composé pour Joséphine Baker, Le Musical. Joséphine a été mon premier rôle de comédie musicale. Il m’a permis d’avoir un certain rayonnement et m’a ouvert d’autres portes, comme le casting de Holidays.
Comment devient-on Joséphine Baker ?
Je connaissais Joséphine de loin. J’ai regardé plein de documentaires et de vidéos sur sa manière de danser, et j’ai lu beaucoup de livres sur son rapport à l’amitié, à l’amour et à ses enfants. La création de sa tribu arc-en-ciel m’a beaucoup touchée car je viens juste d’être maman. J’ai aussi pris de nombreux cours de danse pour me rapprocher de la corporalité de Joséphine. En danse, j’en apprends tous les jours
Joséphine envoûtait les gens par ses talents de meneuse de revue. Mais elle a aussi aidé la France et défendu des valeurs très fortes de solidarité. C’était une femme exceptionnelle, à la sensibilité exacerbée. Mais c’était une grande travailleuse, car son physique et son profil ne correspondait pas forcément aux critères de l’époque. Elle a réussi à s’imposer. Quand on pense qu’elle a vécu la ségrégation raciale aux États-Unis ! Elle a été témoin, durant son enfance, de choses horribles. Plus tard, elle s’est vu refuser l’entrée dans certains hôtels ou même d’être servie dans un restaurant, y compris au plus haut de sa gloire. Ça l’a profondément marquée, mais elle n’aimait pas regarder en arrière. Ces injustices ont été son fuel pour créer de la solidarité dans le monde. Je lui ai pris ça. C’est un honneur de pouvoir la faire revivre et de défendre ses valeurs par le rôle que j’incarne.
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Quel est votre moment préféré dans la pièce ?
Pour moi c’est la marche sur Washington avec Martin Luther King où l’on chante I have a dream, une chanson écrite par Jean-Pierre Hadida en l’honneur du fameux discours de Martin Luther King Jr. C’est un moment qui me touche particulièrement. Je prononce le discours que Joséphine elle-même a dit ce jour-là et j’imagine être devant ces centaines de milliers de personnes réunies là, avec l’espoir et l’envie de changer leurs vies.
Quel sentiment éprouvez-vous en vous produisant sur la dernière scène foulée par Joséphine Baker ?
Il y a plein de moments où je ressens sa présence, et où je me connecte à elle. Surtout au moment du spectacle, quand j’ai mes propres doutes sur mes performances. Il y a des moments où je me dis : « Connecte-toi à Joséphine Baker car tu racontes son histoire. ».
Le public de Joséphine est à son image, bienveillant et enthousiaste. Joséphine était lumineuse et avait beaucoup d’amour et compassion à donner. Il y a une chanson dans le spectacle qui s’intitule Quand on aime on ne compte pas. Les gens ont encore cette image de la belle personne qu’elle était et ça rejaillit sur notre spectacle.
J’ai aussi le bonheur d’avoir des gens qui viennent me voir à la fin du spectacle et me disent : « Moi, j’ai eu la chance de voir sur scène Joséphine Baker de son vivant et avec vous pendant 1h30, c’est comme si elle était à nouveau là, devant moi. Je vous remercie pour cela. ». Avec mon métier, avec ce rôle, j’ai la chance de vivre ça.
Comment faites-vous pour enchaîner plusieurs spectacles en même temps ?
En ce moment je travaille beaucoup, et pour rester à niveau et honorer les beaux projets que l’on me propose, j’entretiens ma souplesse par différents cours de danse. J’ai besoin aussi d’avoir une bonne hygiène de vie, je ne peux pas trop sortir et c’est ma famille qui me nourrit et me donne l’énergie d’avancer.
Est-ce qu’il y a un spectacle ou un rôle qui vous a fait plus stresser que les autres ?
Il y a un spectacle qui m’a fait plus stresser que les autres, c’est quand j’ai joué la première de mon spectacle que je prépare pour 2024. La première de Joséphine a aussi été intense car je suis le premier rôle et il y avait le besoin d’être à la hauteur de son histoire. Juste avant on se dit, comme beaucoup d’artistes : « Pourquoi je fais ça ? Pourquoi je vais monter sur scène et me mettre en danger et être potentiellement juger par des gens qui ne nous trouveront peut-être pas à la hauteur ? ». C’est un peu comme sauter en parachute avant chaque représentation. Et après on est heureuse de l’avoir fait.
Quels sont vos futurs projets ?
Joséphine continue l’année prochaine et va probablement partir en tournée. J’écris aussi mon prochain spectacle musical, mais je ne veux pas en dire trop. Je suis aussi dans l’écriture d’un album qui me ressemble. J’écris des chansons en français, en anglais et en créole comme je suis martiniquaise. Mon île n’est jamais loin de mon cœur.