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Un Concert tel un repas de Réveillon à Radio France

COMPTE-RENDU – L’Orchestre National de France referme l’année en beauté avec un concert festif donné les 30 et 31 décembre aux soirs : digne du repas de réveillon, sens dessus dessous !

Les musiciens sont sur leur 31 dès ce 30 décembre 2023 pour ce double rendez-vous de fin d’année : plus qu’un avant-goût du repas de réveillon, c’est un copieux menu musical qui est offert au public. Et pour mieux mener au compte-à-rebours vers 2024 (et parce qu’on peut aussi se mettre « la tête à l’envers » rien qu’en s’enivrant de musique), c’est comme si le programme musical commençait par la fin du repas pour revenir au début !

Et si tout se fêtait par la fin…

La vivacité rare, l’immense énergie dès le premier avant-geste par lesquelles le chef Stéphane Denève ouvre le concert, avec l’Ouverture du Candide de Bernstein, sont en effet dignes d’un coup de hache achevant de découper la bûche de Noël à mettre dans la cheminée… tandis que la suite de sa direction ressemble à une préparation de la version pâtissière (de la bûche). Après avoir fouetté et battu de sa baguette, ses grands revers de la main élancent les phrasés comme s’il étalait de la crème dans laquelle il plonge un doigt (l’index qui marque ici et là une note tintant comme une cerise sur ce dessert). La musique répond à toutes ces intentions pâtissières, se faisant onctueuse à souhait, légère avec ici et là une pointe d’amertume. Les musiciens offrent aussi de la matière sonore bien nourrissante, celle d’un plat de résistance avec des tutti roboratifs, servis sur des cuivres rutilants. Et comme dans un repas convivial, un mot d’esprit et même une bonne blague fusent ici et là dans cette musique si spirituelle qu’elle se permet le tagada-tsoin-tsoin.

Les Rois Mages sont déjà en route…

Mais alors que les violons inclinent leur archet tel un couteau à viande ou à huîtres pour un plus grand tranchant (de son) et pour revenir au salé, le chef repasse derechef… au dessert, et avec encore plus d’avance sur les fêtes car il sert la galette des rois ! Le deuxième morceau qu’il conduit est en effet L’Arlésienne de Bizet, qui reprend la (devenue aussi grâce à lui) fameuse « Marche des Rois mages » : « De-matin, ai rescountra lou trin De tres grand Rèi qu’anavon en vouiage », ce qui donne traduit du Provençal, « De bon matin j’ai rencontré le train De trois grands Rois qui allaient en voyage ».

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Cuisine (ef)fusion

Ce Réveillon réunissant des convives musicaux des deux côtés de l’Atlantique peut alors reprendre son chemin (toujours à rebours), en servant les vins du plat et en remontant vers les entrées. Le passage de Bizet à Offenbach est l’occasion de changer les verres d’un vin bien tourné pour le décanter (mais pas le secouer) et de sortir les flûtes de champagne bien entendu. La Gaîté Parisienne reprend en effet des tubes d’Offenbach, donnant un effet d’entrée en tapas de différents lieux mélangés et de goûts très divers. L’esprit viennois, le cabaret français et le cirque à l’italienne alternent et se mêlent sous la plume gourmande d’Offenbach, mais passer de la Barcarolle au French Cancan, c’est un peu comme se voir offrir une mousse de maracuja puis des tranches de caille au piment d’espelette.

Bienvenue, Welcome

L’ouverture du concert aura duré cinq minutes (raison sans doute pour laquelle le programme commence par là, ne voulant pas se finir sur un court morceau… d’où l’impression de repas à l’envers). Les deux pièces suivantes auront enflammé une vingtaine de minutes chacune, idem pour les deux suivantes après l’entracte. Cette première partie roborative méritait donc bien cet entracte, toutefois les convives ne se font pas prier pour se remettre à table et continuer donc en remontant vers le début d’un repas, en remontant même à l’accueil de l’hôtesse qui reçoit ses invités.

Lise de la Salle vient camper ce rôle en s’installant au piano (qui a été installé au beau milieu de l’avant-scène) pour jouer la Rhapsody in Blue de Gershwin. L’accueil de son jeu est sérieux, très concentré, donnant justement envie de s’approcher du piano pour écouter attentivement, en se servant un verre de malt américain. La pianiste conserve un jeu nerveux lui permettant de rendre tous les accents et la rapidité virtuose de cette partition. A l’image de l’orchestre qui alors l’accompagne, les passages plus souples, les notes bleues et le swing n’en sont que d’autant plus appréciables (ils manquent même un peu).

Illuminant

Mais alors et le dernier morceau du programme, nous direz-vous, que représente-t-il pour ce repas si nous sommes remontés jusqu’à l’accueil des convives ? Hé bien, les vingt minutes d’« Un Américain à Paris » illustrent parfaitement le chemin pour se rendre jusqu’à la soirée ! Gershwin a même eu la bonne idée de faire résonner le bruit des klaxons dans la partition, et ces moments rêveurs où chacun d’entre nous lève les yeux au ciel, sur le chemin, pour admirer les décorations…

L’Orchestre National de France se laisse aussi prendre au jeu, mais, comme dans tout repas de fête, certaines interventions se perdent, certaines fins de phrases s’étiolent, certains interlocuteurs ne nourrissent pas autant leur propos qu’ils le devraient… Surtout, les solos manquent d’éloquence et de présence, n’assumant pas de faire ainsi un « discours » pendant la célébration collective. C’est par pupitres que brillent les musiciens, notamment ce soir des percussions qui s’en donnent à cœur joie et des piccolos funambules.

Ville Lumière & City Lights

Sous les lumières changeantes, assumant le cliché de sortir de petits lampadaires installés pour l’occasion, le public en salle se régale comme certainement celui profitant de ce concert en direct ou en différé sur les ondes de France Musique et d’Arte Concert.
Là encore, comme lors d’un long repas, un dormeur dans l’assistance qui se met à ronfler, emporté par la douceur de certaines mélopées, est réveillé par sa femme, et même les tousseurs se montrent disciplinés (voire musicaux !), attendant de se caler sur les accents et coups de timbales pour « s’exprimer ».

Le maestro-cuisinier du soir conclut en toute logique la soirée par un petit discours et une nouvelle ouverture, l’occasion de témoigner sa gratitude mais aussi son émotion, celle d’un chef Français vivant aux Etats-Unis d’Amérique, venant diriger à Paris Un Américain à Paris et tout un programme festif transatlantique, avec l’Orchestre National de France à l’Auditorium de la Maison de la Radio et de la Musique de Radio France. Et à voir les volte-face qu’il effectue à la fin de chaque morceau, sommet de son énergique direction le menant à se retourner même vers le public d’un coup de baguette tournoyant, nul doute qu’il sache regarder des deux côtés de l’Océan.

Joyeuse Année 2024 !

Les vœux de bonne année sont ainsi offerts en avance, et avec un bis parfaitement choisi : Gershwin toujours avec l’Ouverture de la comédie-musicale « Girl Crazy ». Les lèvres dans le public qui chantaient en play-back les paroles des Rois Mages, s’animent désormais tout aussi silencieusement et ravies, à murmurer les paroles ‘Who could ask for anything more?
Qui pourrait en demander davantage ? Effectivement, car une fois effectué ce parcours à rebours, le public aux anges n’a plus qu’à reprendre à l’endroit le chemin… de table d’un bon repas de Réveillon !

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