DANSE – Aller au théâtre quand on est habitué à couvrir des concerts symphoniques, c’est un peu comme redécouvrir un monde : on réalise qu’un public peut être autre chose qu’un groupe de personnes anonymes qui toussent et applaudissent. On renoue avec le sentiment de partager un moment fort, intime et convivial – en tout cas, c’est ce que permettait le one man show d’Axel Alvarez : Artiste ?
« Écrase-toi »
Artiste ? nous propose de parcourir en un peu moins d’une heure et demi la vie d’un enfant dyslexique, puis d’un jeune homme, qui rêvait d’intégrer le corps de Ballet de l’Opéra de Paris. Alors que les années avancent, que l’urgence de la destinée d’Axel Alvarez se fait sentir, que les tentatives d’obtenir un contrat se démultiplient, la réflexion gagne en maturité, et se mue en des questions plus précises. Devenir danseur, est-ce nécessairement rejoindre l’Opéra ? Et est-ce vraiment chercher à répondre à des attentes qui se dressent toujours contre moi ?
Le spectacle nous emmène dans le milieu de l’enseignement français de la danse (classique, évidemment, quoi d’autre ?), nous confrontant à sa cruauté et à son impitoyable normativité. Un discours qui n’est pas nouveau en soi : le rigorisme de l’Ecole française, du système des conservatoires, et plus généralement du classicisme artistique, a investi l’imaginaire collectif depuis longtemps, et ne semble plus vraiment secret aujourd’hui.
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Pourtant, le propos prend ici un ton étonnamment neuf, notamment grâce à son rythme. La mise en scène déborde d’une sincérité touchante, qui fait la part belle à l’essoufflement, aux silences, aux soupirs, comme aux espoirs et aux désillusions.
« Edith Piaf ou Michael Jackson : pourquoi choisir ? »
La palette de talents déployée par Axel Alvarez est époustouflante, et les applaudissements nourris que l’artiste a obtenus lors de notre représentation (16 janvier) n’étaient pas volés : le spectacle alterne sans cesse entre les dialogues simulés, les confessions au public, et les passages de danse (répétitions, rêveries, concours…). Les scènes s’enchaînent avec une fluidité déconcertante, en élaborant un discours propre à ce comédien pour lequel tout semble devoir commencer et finir par le geste et le mouvement.
Par le biais d’hommages successifs aux grandes figures artistiques qui l’ont marqué, le danseur nous a révélé une puissance vocale et un timbre splendides. Il faut dire que l’artiste-danseur reproduit à merveille les numéros de comédie musicale, les monuments de la musique pop – comme l’attitude de la surveillante d’internat de l’école de danse de l’Opéra de Paris. Intonations, mimiques : tout sonne terriblement juste. Le public a eu des rires francs et joyeux, tant l’interprétation saupoudrait de dérision les instants biographiques les plus glaçants.
Artiste ?, d’une manière générale, vous tient en haleine par une écriture intelligente, qui sait doser le comique. L’expérience personnelle permet de développer une analyse fine, qui remet en perspective l’idéal académique pour mieux lui opposer un cheminement artistique plus global – mais aussi plus empirique et tout aussi difficile.
Une belle ode à l’audace et à la liberté créative, donc, sur quelques pas de moonwalk !