OPÉRA – L’autre chef-d’œuvre de Georges Bizet (outre Carmen) fait son grand retour à l’Opéra National de Bordeaux dans la mise en scène de Yoshi Oïda. Trois jeunes voix, nouvelles, incarnent le trio amoureux. Il y a d’abord Zurga, le robuste chef du village de pêcheurs. Puis les amoureux maudits, Leïla une chaste prêtresse et Nadir un bel aventurier. Une histoire semée d’embûches qui mettra à l’épreuve l’amitié des deux hommes. Les personnages déambulent dans l’univers poétique de Yoshi Oïda qui transpose l’histoire de l’Île de Ceylan en Inde au Japon…
Voyage sans clichés
Bizet signe Les Pêcheurs de Perles en 1863. L’exotisme est à la mode. À l’heure où Napoléon III impulse un patriotisme effréné, les artistes se prennent de passion pour l’ailleurs. L’étrangeté des mondes lointains fait fantasmer des occidentaux en quête de merveilleux. La pièce prend à contre pied les écueils du genre. C’est Yoshi Oïda, originaire de Kobe, qui nous fait voyager dans un japon traditionnel. Ici, pas de caricatures ou de mises en scène fantaisistes, mais bien le rapport intime du metteur en scène avec sa culture.
Turner au pays d’Hokusai
La scène de l’opéra est parée d’une gigantesque toile abstraite, qui n’est pas sans rappeler les tumultueuses vagues de William Turner. Les décors sont minimalistes mais toujours signifiants. Les gestuelles, les tissus, les objets, les effets d’ombres chinoises ou de marionnettes par instant, soulignent la dramaturgie du récit. Enfin, la lumière de Fabrice Kebour nous invite au crépuscule de l’île des pêcheurs.
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Des pêcheurs, et trois perles !
Si le décor est japonais, la musique est bien française. Les compositions de Bizet sont portées par un trio vocal très convaincant.
- Florian Sempey laisse éclater la colère de Zurga grâce à des éclats de voix agressifs. Bien qu’il exprime une technique vocale toute en puissance, il fait des efforts de nuance nécessaires à la caractérisation de son personnage. Ni tout à fait bon, ni tout à fait mauvais, Sempey dessine un Zurga qui force l’empathie.
- En face, un duo plus solaire porté par de jeunes virtuoses ! Louise Foor exprime une voix soprano souple et enveloppante. Bien qu’elle affirme une certaine puissance par instant. On applaudit particulièrement son Invocation à Brahma dans laquelle elle laisse exploser toute sa maîtrise vocale et la délicatesse de son jeu.
- Jonah Hoskins, quant à lui, interprète un Nadir au chant ondoyant et clair. Une prestation très charmante, bien qu’un peu timide face à son collègue baryton.
- Mais c’est bien le chœur de l’Opéra de Bordeaux qui est mis à l’honneur ! Sous la direction de Salvatore Caputo, il livre les scènes les plus saisissantes de la pièce. Puissant et solennel, il est soutenu par les riches ensembles de l’Orchestre de Bordeaux.
Le rideau tombe, les applaudissements grondent. Les éloges vont particulièrement au baryton Florian Sempey, dont la présence scénique et vocale a conquis le public bordelais. Une vraie réussite qu’on a plaisir de (re)découvrir jusqu’au 26 janvier au Grand Théâtre !