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La femme sans ombre : et la lumière fut…

OPÉRA – Le Théâtre du Capitole de Toulouse reprend la production de La Femme sans ombre de Richard Strauss dans la mise en scène datée de 2006 de Nicolas Joël avec une distribution vocale de haut vol et une direction musicale excitante de Frank Beermann.

Pas une ombre, et pas une ride…

Devant une telle perfection musicale d’ensemble, il parait presque vain de vouloir dissocier les différents interprètes qui abordent tous leur rôle respectif pour la première fois. Et pourtant, comment ne pas saluer une fois encore notre Sophie Koch nationale ? Son incarnation presque carnassière de la Nourrice nourrit tous les fantasmes. Toute de noir vêtue, on dirait qu’elle glisse sur scène dans une sorte de chorégraphie maléfique, épiant chaque geste des autres personnages, chaque écart. Toute prête à s’introduire dans les quelques interstices laissées sans surveillance pour mieux s’emparer des âmes et des cœurs. Son chant parfaitement maîtrisé, sa voix toujours souple et aiguisée, son mordant jusque dans les extrêmes du rôle et les parties aigues, confèrent à ce personnage une dangerosité que le Messager de Keikobad, roi des esprits et père de l’Impératrice, devra lui-même combattre.

La Nourrice maudite sera alors réduite à errer parmi ces humains qu’elle déteste. Hier magnifique Turandot à l’Opéra du Rhin, Elisabeth Teige se pare de toutes les séductions possibles dans le rôle de l’Impératrice. Son intervention d’entrée si difficile est d’une grande beauté et dominée avec aisance. Sa voix charnelle et lumineuse domine l’ambitus du rôle sur la totalité de la représentation. Elle trouve son meilleur au 3ème acte lors de ses retrouvailles si attendrissantes avec l’Empereur, son époux. Ce dernier est incarné par le ténor américain, Issachah Savage, hier Bacchus dans Ariane à Naxos de Richard Strauss sur cette même scène. Il aborde les vives tensions de ce rôle avec une apparence relativement tranquille et des aigus en place.

© Mirco Magliocca

En 2006, Ricarda Merbeth incarnait l’Impératrice dans cette même production. Désormais, elle s’investie à un degré rare dans le rôle presque monstrueux de la Teinturière. Elle le domine avec un aplomb qui laisse pantois, avec des aigus dardés comme des flèches, une projection en salle impressionnante qui ne faiblit à aucun moment de la représentation, bien au contraire ! Le souffle semble inépuisable. Le Barak de Brian Mulligan s’avère à la hauteur de ses partenaires. Il fait ressortir toute l’humanité de ce pauvre teinturier un peu dépassé par les évènements, mais empli d’amour et de reconnaissance pour son épouse. La voix virile de timbre et ample se fonde sur une soufflerie à toute épreuve. Thomas Diolé trouve dans le personnage du Messager de Keikobad un emploi à sa pleine mesure, voix ardente et dense dans ses couleurs. Tous les autres protagonistes sont à saluer sans réserve.

© Mirco Magliocca
Et la lumière fut…

Nicolas Joël soigne son approche de l’ouvrage proche du texte en opposant de façon claire et précise les deux mondes en présence, terre et ciel. Il donne à voir et à comprendre, sans surajouter aux méandres d’une histoire déjà complexe. Les changements de décors pourraient être certainement plus fluides et la direction d’acteurs plus accentuée, mais le spectateur ne se perd pas en route et c’est déjà beaucoup. Sous la direction de Frank Beermann, l’Orchestre national du Capitole de Toulouse ruisselle de toutes parts.

À lire également : Richard Strauss, une vie de héros

Le chef parvient à maintenir à un degré élevé la tension dramatique de l’ouvrage, alternant avec habileté les instants de déchainements musicaux et les moments d’intimité, le tout au sein d’une musicalité jamais prise en défaut ou trop extériorisée. Il poursuit ainsi sa collaboration florissante avec le Théâtre du Capitole. Le Chœur et la Maîtrise de l’Opéra National du Capitole apportent leur pierre bienfaisante à cet édifice. L’accueil du public a été très unanimement dithyrambique au baisser de rideau. 

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