COMPTE-RENDU – Le Festival de la Vézère, c’est d’abord un grand rendez-vous d’été en Corrèze, avec une dense programmation propre à ravir autant les amoureux de musique instrumentale que les lyricomanes en tout genre… Mais ce sont aussi des concerts « hors saison » qui sont bien plus qu’un genre d’apéritif avant le grand festin. Alors à table, pour un dîner placé sous le signe du romantisme.
Paroles & Désert à La Vézère
Mais oui, il parle. Le violoncelle parle, là sur la scène du Théâtre de Brive-la-Gaillarde. Et il est bavard, en plus. À ne plus savoir s’arrêter ! Mais c’est là le genre d’éloquence qui s’apprécie sans modération, jamais un mot, une phrase, un silence, n’étant en l’espèce vides de sens. Alors parle encore et encore, ami cello, toi qui doit la parole, en l’occurrence, aux mains expertes d’une musicienne virtuose : Anne Gastinel. Une invitée de marque qui en côtoie une autre, la pianiste Claire Désert, pour le grand concert de pré-printemps du Festival de la Vézère encore en mode « hors saison », mais déjà (et encore) synonyme d’excellence.
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Pas privés de Dés(s)ert
De l’excellence portée par un complice duo de chic et de choc, donc, et par un programme propre à ravir les sens et à réchauffer les cœurs, puisque profondément et exclusivement romantique. À la grande table des esthètes de la poésie sonore se trouvent ainsi conviés Schumann et son délicieux Adagio et Allegro dans sa version pour violoncelle et piano, mais aussi Brahms, Debussy et Grieg, tous auteurs de sonates pour violoncelle et piano d’un lyrisme si puissant que l’instrument à touche et à pique ne se contente pas de parler : il chante, tout simplement (lui dont le son, dit-on, est le plus proche de la voix humaine, ce que l’on veut plus que jamais croire en cette onirique soirée).
Un sens du lyrisme qui doit donc ici beaucoup au jeu sans failles et si ensorcelant d’Anne Gastinel, digne représentante d’une école française du violoncelle incarnée par ces Paul Tortelier et Philippe Muller dont elle se fait désormais l’héritière. Oui, tout est là : des phrasés comme des poèmes lus à voix haute, des notes brodées et vibrées avec la méticulosité d’une maroquinerie de grand luxe, et puis ces frottements toujours bien dosés entre touche et chevalet, ici avec un legato de coton, là un staccato porté par l’élasticité d’un poignet en fusion totale avec l’archet. Et puis il y a cette manière de faire résonner les notes les plus graves pour les faire pénétrer au plus profond de l’âme (comme dans le premier mouvement de la Sonate de Brahms tout en introspection), quand les aigus, sur une corde de la dont est explorée toute la longueur, incarnent eux à l’envi une flamme, une fougue, un bonheur, qui ont en effet tout du romantisme. Un romantisme le plus pur dont les élans passionnés de Grieg, qui habitent ici pleinement une violoncelliste aux yeux fermés, ne sont pas la moins éloquente des incarnations.
L’art de jouer sur la corde sensible
Mais si éloquence il y a, elle est aussi à trouver du côté du piano, bien sûr. Car le violoncelle ne parle pas seul : il dialogue, échange, répond ou répète, fusionnant la matière si sonore de ses cordes frottées à celle des cordes frappées du clavier confié à Claire Désert. Une virtuose, elle aussi, dont le jeu à l’épatante maîtrise technique ne fait pas que se mettre au service du violoncelle : il sait aussi se faire expressif, dire la mélancolie dans les Andante, le feu dans les Allegro, et la beauté, tout simplement, dans chacun de ces mouvements qui sont autant d’histoires que l’on voudrait se voir conter encore et encore.
Hélas, il faut bien conclure, et pour ce faire quoi de mieux qu’une berceuse de Schumann pour finir d’enivrer une salle comble et surtout ravie du voyage qui lui a été offert, ici, sur les bords de la Corrèze. Un voyage musical qui aura fait la preuve que, bien souvent, à l’heure de quêter la beauté et la passion réunies pour s’offrir le luxe d’un concert comme une douce parenthèse, tous les chemins mènent au romantique. Paroles de piano et de violoncelle !
Demandez le programme :
- J. Brahms – Sonate pour violoncelle et piano n°1 en mi mineur op.38
- C. Debussy – Sonate pour violoncelle et piano en ré mineur FL 144
- R. Schumann – Adagio et Allegro, op. 70
- E. Grieg – Sonate pour violoncelle et piano en la mineur op.36
- R. Schumann – Berceuse, tirée des Pièces dans le style populaire