COMPTE-RENDU – L’Orchestre National de France souffle ses 90 bougies (heureusement le pupitre de vent ne manque pas d’air) : 90 ans à faire parler les compositeurs, français notamment. Et cette fois encore à Radio France ce 30 mars 2024, c’est comme s’ils nous parlaient.
Ravel à tombeau ouvert

Maurice Ravel nous fait d’abord un clin d’œil depuis l’au-delà : “Vous pensiez vraiment que j’allais vous servir du Boléro ? Pas cette fois, je sais déjà que son seul nom suffit à le faire tourner en boucle dans votre tête (en plus on en a bien parlé avec ces histoires de droits et d’héritage sur lesquelles je ne m’étendrai pas, et il y a même un film au cinéma en ce moment).” Taquin le Maurice, il préfère sortir du tombeau avec Le Tombeau de Couperin. Ses riches harmonies reliant baroque et modernité se déploient sous la direction agile de Cristian Măcelaru, chaque section de l’orchestre guidée avec une précision incisive, dégageant une liberté en cascades.
Éternel recommencement

“Moi aussi je sais mélanger les genres” lui répondra en fin de concert Jacques Ibert. Les deux ne sont visiblement pas fâchés, pourtant ils furent concurrents (notamment pour la composition de la musique du film Don Quichotte avec Chaliapine… ce qui nous laisse en héritage deux merveilleux cycles plutôt qu’un seul). La « Bacchanale » d’Ibert assume ses airs jazz (un univers musical qui inspira tant les classiques, mais qui s’inspira tant d’eux également… notamment de Ravel). L’Orchestre y jubile (en cette année pour lui de Jubilé) en un feu d’artifice de rythmes et de mélodies, où les violons, dans une cadence vertigineuse, évoquent une gigantesque machine en mouvement perpétuel, tandis que les cuivres donnent aux thèmes un caractère triomphal et envoûtant.

Entre-temps, Olivier Messiaen s’interpose et suggère : “Et si on transformait la salle de concert en une volière géante ?” Ses Oiseaux exotiques déploient alors leurs ailes sous les doigts agiles du pianiste Pierre-Laurent Aimard. Chaque note est un merveilleux piaillement précis, dynamique, puissant comme les percussions qui secouent l’espace en des explosions sonores captivant le public : un tableau musical vivant à réveiller les morts !
Le testament de Bizet

L’esprit de résurrection et du concert est complété avec l’interprétation de la Symphonie en Ut de Bizet qui entre elle aussi dans sa neuvième décennie… de résurrection. En effet, cette partition inédite du temps du compositeur a été retrouvée en 1933 et créée en 1935. Son esprit triomphant se déploie par la beauté de ses solos et crescendos orchestraux tandis que les envoutantes clarinettes transportent l’auditoire.
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En clôture de cette soirée mémorable, le public, enthousiasmé, offre des applaudissements unanimes. L’Orchestre National de France continue ainsi de célébrer ses 90 ans en proposant un mélange détonant de pièces classiques et d’expériences sonores, faisant parler les compositeurs.