CONCERT – A l’image du vin de Bourgogne, le Festival Beethoven à Beaune provoque rencontres et amitiés autour des meilleurs millésimes d’artistes de talents : les jeunes comme ceux qui ont plus de bouteille. Ce soir, Mozart, Beethoven et Brahms se partagent le programme avec neuf talentueux musiciens.
Comme les coteaux qui l’entourent, le Festival Beethoven à Beaune regarde vers le soleil levant pour sa 6ème édition. S’inspirant de compositeurs et d’œuvres venus d’Europe de l’Est, son directeur artistique, le violoncelliste coréen Sung-Won Yang, propose ce soir un concert autour du Quatuor avec piano n°1 de Brahms, dont le mouvement final « Rondo alla zingareze » reprend des mélodies tsiganes. L’amitié étant au cœur même du festival, Sung-Won Yang suscite la rencontre de différentes générations de musiciens pour offrir au public venu nombreux un moment d’exception à la salle de la Lanterne magique de Beaune.
Clarinette : Domaine Mozart, sans modération
Dans cette ancienne cave de négoces, le public entoure les musiciens avec une certaine intimité, expérimentant ainsi ce moment de partage qu’est le Quintette avec clarinette et quatuor à cordes de Mozart avec le Quatuor Ardeo et le jeune clarinettiste Han Kim. Celui-ci fait immédiatement entendre une sensibilité musicale particulièrement touchante, constamment et superbement soutenue et dirigée. Ses intentions très nuancées offrent, notamment lors du mouvement Larghetto, les couleurs d’un piano d’une rare beauté, remplies d’une finesse aussi présente qu’aérienne. Les quatre musiciennes l’accompagnent avec un souffle animé et léger, une gestuelle vivante et souple. Le timbre de l’ensemble est caressant, les archets effleurant presque les cordes tant ils semblent doux. L’effet produit est ainsi très tendre, mais peut-être à peine trop ? On aurait peut-être aimé un peu plus de corps.
Beethoven millésimé : un cru corsé et plein de caractère
Ça sera le cas du morceau suivant. Le pianiste Franck Braley propose la célèbre Sonate, dite « Claire de Lune », dans une version indéniablement personnelle, surprenante mais captivante. Sa technique irréprochable impressionne, et l’interprétation est sombre et introspective, avec des graves très affirmés – presque trop – et des aigus agréablement clairs. La musicalité du pianiste est d’une grande liberté, faisant presque penser à de l’improvisation, avec des élans qui soudainement se suspendent par des nuances énigmatiques. Si cette version parfois surprenante peut heurter les auditeurs qui ont en tête une version de référence indéboulonnable, d’autres peuvent apprécier de redécouvrir une œuvre si connue, défendue avec une superbe maîtrise instrumentale.
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Brahms : le tokay à la tzigane
Le Quatuor avec piano n°1 de Brahms réunit Liza Ferschtman au violon, Yuko Hara à l’alto, Sung-Won Yang au violoncelle et Enrico Pace au piano. La justesse et la précision du violon et de l’alto n’étant pas toujours parfaites, et le piano n’étant pas idéalement réglé (les graves résonnant un peu trop dans cet acoustique exigeante), l’équilibre de l’ensemble ne permet pas de toujours bien comprendre l’écriture dense et précisément construite de Brahms. On n’est pas moins charmé par la présence expressive et très attentive de Sung-Won Yang, dont le violoncelle sonne avec une rondeur brillante et toujours très équilibrée. Son plaisir est évident : il recherche constamment une complicité avec les autres musiciens par ses sourires et ses regards. On peut saluer le touché limpide et les belles intentions de couleurs d’Enrico Pace, sachant se faire doux et discret. Le virtuose et énergique mouvement final ne manque pas de susciter l’enthousiasme du public, qui salue l’ensemble des artistes.