DANSE – Le Nederlands Dans Theater arrive ces jours-ci au New York City Center pour un programme réunissant sur scène une pièce de William Forsythe d’il y a une dizaine d’années, et deux pièces récemment créées par la compagnie à La Hague, sur des chorégraphies de Imre & Marne Van Opstal, et de Sharon Eyal & Gai Behar. Grâce aux excellents danseurs du NDT, on se plonge ainsi dans trois univers néo-classiques qui se réfléchissent, et nous font réfléchir.
F. F. F.
Au début de ce programme on (re)découvre avec plaisir N. N. N. N., pièce créée par William Forsythe en 2002 nous plongeant dans les jeux de la dance contact-improvisation, les virtuosités néo-classiques habituelles des chorégraphies de Forsythe laissant la place à des « blagues chorégraphiques » (le public rit !) et des jeux de jambes plus techniques qu’ils n’en ont l’air. Les quatre danseurs sur scène s’amusent alors avec les portés et les dynamiques, dans un espace qui se transforme presque en cour de récréation, où l’on n’a pas peur de tirer une manche ou de donner une petite claque. Mais ce dernier élément est bien moins anodin qu’il n’y paraît, car Forsythe, lui aussi, s’amuse avec la danse : dans N. N. N. N., ce sont les respirations des danseurs éreintés qui donnent le rythme, et la saveur, de la pièce.
Pièce peut-être un peu anecdotique dans la carrière de Forsythe, N. N. N. N. sert aussi de miroir réfléchissant aux deux pièces qui vont suivre. Alors que N. N. N. N. correspond au style récent de Forsythe, The Point Being (de Imre & Marne Van Opstal) et Jakie (Sharon Eyal & Gai Behar) semblent revenir aux œuvres plus anciennes du chorégraphe américain. Moins « playful » et plus sérieuses, The Point Being et Jakie sont aussi deux œuvres qui, bien qu’utilisant le « vocabulaire » Forsythe (jeu sur la ligne, balancés, etc.) ont établi, entre elles, leur propre généalogie.
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Neo jeté
Quand The Point Being, de Imre & Marne Van Opstal, commence, on se demande l’espace de quelques instants s’il ne s’agit pas de la pièce de Sharon Eyal & Gai Behar. Les gestes saccadés et les couleurs chair des tenues des danseurs nous transportent en effet immédiatement dans l’univers des deux danseurs israéliens. Pourtant non, nous sommes bien toujours avec les Van Opstal. Au sein du NDT, les influences semblent ainsi osciller, bien que les danseurs réussissent à donner une saveur spéciale à chacune des pièces. Alors que The Point Being laisse libre cours à nos émotions, jouant sur les attentes du ballet classique (le pas de deux, le corps de ballet) littéralement – les pas, par deux, et les corps -, Jakie est un hymne cérébral, dument orchestré par Sharon Eyal & Gai Behar, et leur musique électronique (Ori Lichtik, Ryuichi Sakamoto, Alva Noto).
Alors que dans le public on passe d’un état d’esprit à l’autre, sur scène on a un clair crescendo, et on peut ici noter le très bel engagement des danseurs, comme la soliste Pamela Campos dans la dernière pièce. Les danseurs joueurs de N. N. N. N. ont en effet laissé la place aux créatures fantastiques de Sharon Eyal & Gai Behar, le temps d’un (neo) grand jeté.