CONCERT – À la tête de l’Orchestre de Chambre de Paris, la cheffe Marie Jacquot dirige au TCE un programme consacré à Strauss et Mozart. Trois œuvres qui sont, à y regarder de plus près, inspirées par des adieux.
A entendre les trois pièces réunies pour ce concert, on pourrait souligner la place centrale qu’elles accordent aux vents, et qui fait l’unité musicale du programme. Mais on peut aussi être interpelé par les conditions de composition de ces œuvres : car toutes ont à voir avec des adieux, avec des choses ou des gens que l’on quitte, entre lyrisme et espoir.
« Und jetzt sag’ich : Adieu »
« Et maintenant je vous dis adieu » chantait Arabella dans l’opéra éponyme ; quelques années plus tard, son compositeur signe, avec le Double concertino pour clarinette et basson, ses adieux à la musique purement orchestrale.
Le clarinettiste Florent Pujuila fait entendre d’emblée un son brillant, qui contraste avec la légèreté des cordes, semblant extrêmement lointaines : la cheffe Marie Jacquot joue de cette éloignement, abandonnant l’orchestre volontairement au second plan dans les deux premiers mouvements lorsque les solistes s’expriment. Au basson, Fany Maselli a ainsi tout loisir de faire entendre ses qualités expressives, qui donnent l’illusion que l’instrument dialogue avec la clarinette. Les deux solistes gagnent encore en profondeur dans un dernier mouvement aux accents pastoraux, où les instruments se mêlent de manière bien plus dense et où les musiciens partagent un sens aigu du lyrisme : l’auditeur en oublie l’exigence de la partition, et se laisse entraîner par l’éclat du finale. Une dernière pièce lumineuse et pleine d’esprit, car dans cette grande histoire entre Strauss et la musique orchestrale, on s’est aimés comme on se quitte : avec effusion, grandeur, un peu d’humour, et un brin d’attendrissement.
Le Concerto pour cor n°2 est quant à lui une véritable déclaration d’amour à cet instrument, et aussi, sans doute, au père disparu du compositeur (lui-même corniste) auquel est dédiée l’œuvre. A entendre David Guerrier et le son homogène, éclatant, enveloppant qu’il tire du cor ; à entendre cette partition qui souligne toutes les facettes de l’instrument (de la fanfare à la virtuosité en passant par le lyrisme), on se dit que c’est un hommage splendide que rend Strauss à son père. Un message envoyé de loin, un « au revoir » sans tristesse, mais qui ne laisse pas totalement les yeux secs : car la mélancolie et la tendresse que David Guerrier fait entendre dans l’Andante sont d’autant plus belles que l’Orchestre de chambre de Paris est au contraire présent et assuré. Les pupitres de cuivres et de vents trouvent de quoi briller dans leur dialogue avec le soliste avant un finale tendu, urgent, virtuose, où les musiciens s’en donnent à cœur joie : chez Strauss on préfère décidément les adieux éclatants aux départs larmoyants.
Adieu Salzbourg
Des trois œuvres du programme, l’histoire de la Symphonie n°36 de Mozart est la plus dramatique. Lors de sa composition, Mozart vient de quitter Salzbourg fâché avec son père, et d’apprendre le décès de son fils : et si la partition semble incroyablement vive au vu des circonstances, on entend bien l’inquiétude qui menace, et l’ombre de ces séparations planant sur l’œuvre.
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L’impression de vitalité vient surtout de l’influence de l’art lyrique sur cette symphonie, et c’est visiblement dans cet esprit que l’a abordée Marie Jacquot. Ne refusant aucun effet théâtral, elle insuffle à ses musiciens un son rayonnant, des phrasés particulièrement dessinés, une énergie de tous les instants. Et si elle assume une certaine lourdeur dans le menuet, et un peu d’humour dans le trio instable du troisième mouvement, c’est pour mieux laisser la joie du finale se déployer. Ce n’est pas un regard vers le passé ou vers de tristes éloignements, mais un bond en avant qu’inspire ce mouvement : sur le chemin de Vienne, Mozart aurait-il pensé cette symphonie comme un opéra ? Dans l’espoir du succès après les difficultés de sa vie personnelle ? Sous la baguette experte de Marie Jacquot, ce finale avait en tout cas des airs d’ouverture, et ces adieux l’apparence d’un lever de rideau.
Demandez le programme !
- R. Strauss – Double concertino pour clarinette et basson
- R. Strauss – Concerto pour cor n° 2 en mi bémol majeur
- W.A. Mozart – Symphonie n° 36 K. 425 « Linz »