Schubert : le jeune homme et la mer

CONCERT – Le concert de clôture de la onzième édition du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence, avec Renaud Capuçon entouré d’un quatuor piano-cordes de nouvelle génération, revient à l’esprit musique de chambre de son ouverture, dans une roulade de natation synchronisée : bain de jouvence, effervescence et modèle d’humanité.

Éternel retour

Le schéma cyclique convient très bien à ce temps d’équinoxe qui voit le renouveau du printemps, avec une ouverture et une clôture du Festival dédié à la musique de chambre. La programmation réunit deux œuvres célèbres de Schubert, l’une de jeunesse (1819), l’autre de fin d’existence (1828), malheureusement courte. La première a connu un succès posthume, la seconde une notoriété de cinéma (Barry Lyndon de Stanley Kubrick). Une autre préoccupation de cette édition du Festival semble être de confronter la musique, art sans parole, à son fantôme verbal et poétique : ici toute la vocalité du lied « La Truite » que prend pour thème le compositeur dans le quatrième mouvement de son Quintette, là, la puissance émotionnelle, déjà cinématographique, du deuxième mouvement de son Trio, au thème initial évocateur.

La forme classique : le pur et le dur

La petite rythmicité, l’énergie hydraulique du discours de Schubert est portée par le bras directeur du premier violon, Renaud Capuçon, dans la vitesse et l’accélération comme dans la lenteur et l’étalement. Le timbre d’argent du violoniste produit une découpe claire des formes : contrastes thématiques, séquences exposées, développées, répétées, variées, jusqu’à la conclusion. Gammes majeures ou mineures, arpèges et cadences coulent de source ! L’instrument ruisselle sur tous les autres, en un jeu d’imitation qui semble tirer sa raison d’être des différentes tessitures des cordes et de l’orchestre de poche du piano.

À l’autre extrémité du spectre, la contrebasse de Lorraine Campet souligne le cadre, sa carrure symétrique que viennent arrondir les balancements des archets et le roulis interne du piano. Les motifs, si lumineusement exposés, sont de beaux objets, attirants, que l’oreille voudrait toucher pour pénétrer davantage dans l’écoute de l’œuvre.

© Caroline Doutre / Festival de Pâques

L’art de la demi-teinte est également mis au service de la forme classique, succession de moments de tension et de détente, en particulier dans les mouvements lents (le Trio) ou dans la forme thème et variations (le Quintette), comme si les couleurs du ciel assombrissaient celles de l’eau, lors des reflets et réminiscences thématiques (quatrième mouvement du Trio). Le dosage des dynamiques est structurant et troublant à la fois, quand le violoncelle de Julia Hagen paraît chanter au-dessus du piano et du violon, ou plonger dans les abysses de ses hyper-graves, avec le naturel précieux de la jeunesse (deuxième mouvement du Trio, premier mouvement du Quintette).

À lire également : Capuçon et Kantorow ouvrent le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence
Schu-marin

Bien ancrés dans le creux de leur sous-marin noir, les musiciens et musiciennes peuvent démarrer leur exploration des grands fonds :

  • Le piano de Mao Fujita plonge l’auditeur dans le grand aquarium noir de sa table d’harmonie. Il fait ruisseler de ses mains au legato palmé les arpèges qui dessinent les sillages plus ou moins agités d’algues, sombres ou phosphorescentes, dans les courants marins de la musique de Schubert. Les gammes ont l’aisance aquatique de glissandi, de petites cascades. Les notes répétées, typiques des thèmes schubertiens, ont la transparence de retenues d’eaux de roche. Le toucher de nacre transforme le monde du silence en musique du monde.
  • Julia Hagen, fait face au public : elle imprime des coups d’archet de grande nageuse, adaptés autant à la forme physique de ses bras qu’à celle du chant profond que le compositeur dédie à l’instrument. 
  • Le tournoiement des motifs (troisième mouvement du Trio, premier et quatrième mouvement du Quintette), à la lumière clignotante de poissons d’argent, mobilise à part égale chaque musicien, dont l’indispensable alto de Paul Zientara. Il veille à la fluidité de l’ensemble, pour que tous les instrumentistes soient réunis dans le même grand bain, et qu’une même onde de propagation les relie.

Le public, comme en apnée, applaudit les cinq artistes, avant d’avoir obtenu en bis, le thème éponyme du Quintette. Comme l’écrit Beaumarchais dans Le Mariage de Figaro : « tout finit par des chansons » !

Demandez le programme !

  • F. Schubert – Trio en mi bémol majeur pour piano et cordes n° 2, D. 929
  • F. Schubert – Quintette en la majeur, « La Truite », D. 667
- Espace publicitaire -
Sur le même thème

LAISSER UN COMMENTAIRE

S'il vous plaît entrez votre commentaire!
S'il vous plaît entrez votre nom ici

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

- Espace publicitaire -

Vidêos Classykêo

Articles sponsorisés

Nos coups de cœurs

- Espace publicitaire -

Derniers articles

Newsletter

Twitter

[custom-twitter-feeds]