AccueilSpectaclesComptes-rendus de spectacles - InstrumentalChambre avec ouïe : Capuçon et Kantorow ouvrent le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence

Chambre avec ouïe : Capuçon et Kantorow ouvrent le Festival de Pâques d’Aix-en-Provence

FESTIVAL – Le concert d’ouverture du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence fait le choix du chambrisme, et de sa quintessence, avec trois sonates romantiques interprétées au violon par le directeur artistique Renaud Capuçon et au piano par Alexandre Kantorow, deux artistes à la connivence palpable.

Le Festival de Pâques est rythmé par de grandes fresques symphoniques, notamment en ce Grand Théâtre de Provence, mais la musique de chambre est loin de faire chambre à part. C’est même elle qui ouvre les festivités (et plus tard, Elisabeth Leonskaja viendra seule avec son piano pour Schubert). Comme la chambre obscure peut, de son antre mécanique miniature, révéler ensuite l’immensité des couleurs lumineuses, ce concert montre aussi combien Beethoven (avec sa Sonate n°3) est à l’étroit dans le classicisme de la première école de Vienne (Haydn et Mozart). L’occasion aussi de sublimer le bijou architectural qu’est la Sonate n° 3 de Brahms, suivie, après l’entracte, par une œuvre rarement donnée, la Sonate opus 18 du jeune Richard Strauss, déjà hanté par le symphonisme.

Chambre à musiquer

Faisant clairement chambre-commune, comme une même quête de transparence, non dénuée de nervosité (devant l’énergie et l’urgence de l’œuvre), les deux partenaires artistiques se font pleinement chambristes, jamais chambreurs.

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Le violon pose un tapis de mousse que caresse la cantilène expressive du piano. L’archet restitue les carrures encore classiques, arpentant ses longueurs de phrasés (comme les cent pas dans une chambre d’hôte et d’haute acoustique). Il y a de la politesse dans cette œuvre, du savoir vivre, même si le violoniste ose des accents granuleux pour exprimer l’urgence.

Se tenant souvent dans la tessiture médium du clavier, le piano de Kantorow se fait intimiste, avec un toucher coquille d’œuf chargé de prolonger la ligne claire du violon. Sa matière fluide finit toujours par se cristalliser en blocs d’accord, pénétrants et triomphants : puissant geste tonal d’écriture harmonique allant jusqu’à oser la lenteur.

Grand Théâtre de Provence. Renaud Capuçon, violon. Alexandre Kantorow, piano. 22/03/2024. Aix-en-Provence. Photo Caroline Doutre / Festival de Pâques
Messes basses et chambre haute

Les deux solistes se rejoignent dans un mezza-voce qui permet à Capuçon de se défaire de la lumière qu’il extrait habituellement de son instrument, sa sonorité-signature, liée au solide maintien de son buste et à l’angle vertical de son bras droit. La libération propre au Rondo (chant et danse populaire) appelle plus d’engagement physique chez les deux artistes, qui consentent à se défaire de la transparence perlée du son classique pour intégrer plus de matières, de rugosités et de poches de résonance au thématisme franc et coloré : la force s’exprimant d’autant plus en sortant de la chambre forte d’une technique d’acier.

Leur réunion se fait surface moelleuse dans l’amour de Brahms. Le piano devient une caisse de résonance, prolongeant et enveloppant dans une texture profonde et vibrante (et surtout commune) les lignes mélodiques vers la facétie d’un jeu léger et vif. Strauss s’impose enfin, dès son œuvre de jeunesse, comme le climax romantique de la soirée : une chambre de combustion dans ce moteur musical à explosion, par la puissance des instruments séparés ou réunis dans un souffle commun (celui d’une grande chambre à airs).

La force des œuvres et de leur interprétation par des musiciens à leur service (nobles valets de chambre de ce répertoire) donne ainsi à ce concert d’ouverture son caractère de promesse, porte entrouverte vers la vocation sacrée du Festival de Pâques, qui toujours, contient sa part d’intériorité. Le public exprime la reconnaissance d’avoir été si bien accueilli dans cette chambre d’hôte.

Demandez le programme :

  • Ludwig van Beethoven, Sonate pour violon en mi bémol majeur, op. 12 n°3
  • Johannes Brahms, Sonate pour violon et piano n°3, op. 108
  • Richard Strauss, Sonate pour violon et piano en mi bémol majeur, op. 18
Grand Théâtre de Provence. Renaud Capuçon, violon. Alexandre Kantorow, piano. 22/03/2024. Aix-en-Provence. Photo Caroline Doutre / Festival de Pâques
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