COMPTE-RENDU – Un trio pas comme les autres propose avec passion une anthologie du trio avec clarinette au public du Festival de Pâques d’Aix-en-Provence. À savourer sans modération !
Anthologie du trio avec clarinette. Le titre est accrocheur, et le programme, alléchant ! Beethoven, Bruch, Brahms, les “trois B” ! À l’origine de cette belle initiative se trouvent Daniel Ottensamer (clarinette principale de l’Orchestre Philarmonique de Vienne), Stephan Koncz (violoncelliste à l’Orchestre Philarmonique de Berlin) et Christoph Traxler (pianiste concertiste international). Trois pointures, donc, mais qui sont surtout une bande de copains qui se connaissent et jouent ensemble “depuis le bac à sable”, pour reprendre les mots de Daniel Ottensamer (qui n’hésite pas à prendre la parole entre chaque œuvre), et qui n’ambitionnent rien de moins que d’enregistrer l’intégralité du répertoire pour cet ensemble. Autant dire qu’on s’attendait à passer un bon moment, et qu’on a pas été déçus !
Soirée entre potes
Les trois amis surgissent sous les applaudissements du public du Théâtre du Jeu de Paume d’Aix-en-Provence, avec leurs costumes de scène parfaitement identiques qui les feraient presque passer pour une fratrie de triplés. Une clarinette en si bémol dans la main droite et une autre, en la, dans la main gauche, Daniel Ottensamer emmène la joyeuse bande, d’abord dans le Trio, opus 11 de Beethoven. L’œuvre est sans aucun doute la plus connue du programme du jour, mais on en est pas moins saisis d’entrée de jeu par l’intensité de l’interprétation. Les trois musiciens maîtrisent complètement leur sujet, et montrent une cohésion hallucinante : c’est simple, on les croirait reliés par la pensée. Après un premier mouvement habité d’une fougue très Beethovenienne, et un second comme sur un nuage, ils donnent au finale enjoué un ton particulièrement jovial, voire comique. Un caractère qui tranche, par sa légèreté, avec des interprétations plus “traditionnelles” et qui nous rappelle que cette musique sait aussi, parfois, rester un simple moment de partage entre copains.
Max Bruch : non à l’entre-soi !
Avec leur sélection dans les Huit Pièces opus 83 de Max Bruch, notre trio nous régale d’une sorte de sonate, avec toujours le même engagement (en témoigne l’archet de Stephan Koncz, qui y a laissé quelques crins) et la même exigence. La pièce n°1, andante, constitue l’ouverture, avec ses accents tragiques. La pièce n°6 tient le rôle d’un second mouvement, lent, aux allures de nocturne, et la pièce n°4 celui du finale en course effrénée, allegro agitato.
Et ça finit toujours au bar…
C’est le clarinettiste Richard Mühlfeld qui aurait incité Brahms à se remettre à composer, en particulier pour son instrument. Si l’histoire ne dit pas, comme d’aucuns se plaisent à l’avancer, que la conversation eut lieu autour d’une bonne pinte d’Ottakringer, à une table du café Central de Vienne, aux alentours de 18h, il n’en reste pas moins que le compositeur à écrit à cette occasion l’une des plus belles page du répertoire, à laquelle notre trio du soir a largement fait honneur.
À lire également : David Fray, à Aix comme au salon
Pour terminer, et devant l’ovation du public du TJP, il nous est donné d’entendre le premier mouvement du trio opus 24 de Paul Juon, compositeur Suisse d’origine Russe (quand on vous dit qu’ils ont tout joué !). Une “Rêverie” dont l’atmosphère pourrait rappeler un mélancolique tango Argentin, dans lequel les échos d’un bandonéon invisible surgissent des voix combinées de la clarinette et du violoncelle à l’unisson.
En sortant du concert, le sourire aux lèvres, il est à peine 19h, et c’est donc de ce mystère du timbre qu’à la manière de Brahms et Mühlfeld, nous décidons d’aller débattre autour d’une bonne pinte sur le cours Mirabeau tout proche.
Demandez le programme !
- L. van Beethoven – Trio avec piano n° 4 en si bémol majeur, op. 11 « Gassenhauer »
- M. Bruch – Huit pièces, op. 83 (extraits)
- J. Brahms – Trio pour clarinette, violoncelle et piano en la mineur, op. 114