DANSE – C’est l’un des moments charnières de la vie de l’Opéra de Paris chaque année : ce samedi 13 avril 2024 avait lieu la première des trois représentations du Spectacle de l’Ecole de Danse. Et comme à chaque fois que le public vient à la rencontre des talents de demain, il ressort ému et admiratif.
On se presse dans les couloirs de Garnier, pour entrer au compte-goutte dans une salle bondée. L’air est chaud, trop chaud pour la saison. On gagne péniblement sa place alors que quelques parents commencent à montrer les signes d’une légère angoisse. Car les élèves de l’Ecole se préparent à faire leur entrée. Et le programme constitue un beau défi, avec son triptyque Roland Petit – Jiří Kylián – Serge Lifar. De quoi avoir le trac. Heureusement, l’orchestre dirigé par Philip Ellis attaque, le rideau finit par se lever, et la magie opère.
L’école de la vie
La première pièce, Les Forains, créée en 1945, est un petit bijou du répertoire (et le premier ballet de Roland Petit). Cette pièce d’une demi-heure est conçue comme une mise en abîme : une petite troupe d’artistes-acrobates arrive sur scène et monte ses tréteaux pour un spectacle. On assiste d’abord aux échauffements, puis aux démonstrations, alors qu’un public factice arrive. L’ensemble constitue un morceau de vie touchant, qui recourt au pathos et à la pantomime (soutenus par un décor et des costumes finement pensés) pour mettre en scène dans sa réalité matérielle le quotidien des artistes itinérants.
Une pièce humble et joyeuse à la fois, contenant des numéros divers qui font tous la part belle aux jeunes (voire très jeunes) danseurs et danseuses. Chapeau bas au personnage du clown (Carlo Zarcone) et à celui de la petite fille (Lalie Joseph-Singamalum).
Concentration maximum
Pour la deuxième pièce, on changeait d’ambiance : Un Ballo, de Jiří Kylián. Efficace et élégant : une douzaine de minutes, une scène obscure avec des rangées de bougies suspendues, des danseurs en noir qui valsent en duos. Sans surprise, une plastique des corps extrêmement soignée, un mouvement souple et intuitif. Le tout avec le sens de l’épure et la malice caractéristiques du chorégraphe. Bref, classic with a twist, sur Le Tombeau de Couperin et la Pavane pour une infante défunte, de Ravel.
Pour plus de Jiří Kylián, c’est par ici !
Cas d’école
L’entracte ne fut pas long. L’introduction musicale de la troisième pièce (Suite en blanc), elle, le fut davantage. Mais il fallait bien créer cette attente, car le public devait découvrir avec le lever de rideau une somptueuse composition scénique faite de costumes immaculés. Un tableau collectif époustouflant qui se dissipa rapidement pour laisser la place à des exercices de style exécutés successivement.
Car c’est bien là l’objet de cette pièce créée en 1943. Serge Lifar entend exposer dans leur plus grande pureté formelle les richesses du ballet académique – tout en renouvelant certaines conventions. Un panel néoclassique minutieux et délicat, étincelant, avec quelques rôles féminins particulièrement exigeants qui ont ravi le public.
Tableau d’honneur
Le bilan est univoque, et pourra vous rappeler celui que nous dressions lors des Démonstrations de décembre 2023.
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L’Ecole de Danse est un joyau de notre culture du ballet, et ce spectacle annuel, un rendez-vous que les amoureux de danse classique ne voudraient surtout pas manquer. Oserait-on dire que c’est un moment de fierté collective ? Visiblement, l’Opéra part du principe que ce sont surtout les Français qui accourent pour découvrir les danseuses et danseurs qui les feront rêver demain ; car les consignes d’écoute en début de soirée ne furent données que dans notre langue…!