ENTRETIEN – Le chorégraphe François Mauduit retrace dans sa dernière création les moments clés de la vie d’Audrey Hepburn, qui est toujours considérée comme l’une des plus grandes actrices de tous les temps. Rencontre avec un chorégraphe passionnant et sensible, formé à l’École de Danse de l’Opéra de Paris, puis soliste de Maurice Béjart pour le ballet de Lausanne à seulement 20 ans qu’il quittera après quatre années pour créer sa propre compagnie. Une aventure incroyable qui le mène aujourd’hui au Théâtre des Champs-Élysées pour nous présenter sa dernière création « Dans les yeux d’Audrey », à l’affiche à partir du 23 avril.
Comment la danse s’est imposée à vous ?
La danse s’est imposée à moi à l’âge de quatre ans quand j’ai vu ma grande sœur dans son spectacle de fin d’année dans un beau costume, et dans un très beau théâtre à Caen. La magie de la danse ne m’a alors plus jamais quitté. J’ai intégré l’École de Danse de l’Opéra de Paris avant de partir dans la compagnie de Maurice Béjart. Cela a été une expérience extrêmement enrichissante de travailler avec une grande personnalité pendant quatre ans. J’ai tout appris de lui, même s’il y a eu des moments difficiles.
Pourquoi Audrey Hepburn ?
Au départ, j’avais créé un solo pour une de mes danseuses qui avait une grande robe noire et un ami m’a dit qu’elle ressemblait à Audrey Hepburn. À partir de là, j’ai remarqué que la ressemblance était frappante, et en me renseignant sur Audrey, j’ai appris qu’elle avait voulu devenir ballerine avant d’être actrice. Et plus je lisais sur elle, plus je découvrais qu’elle avait eu une vie fascinante. En plus, j’avais déjà l’interprète idéale ! Il m’a alors paru comme une évidence de faire un ballet autour d’Audrey. Elle me fascinait car elle a toujours tout traité dans sa vie avec beaucoup de chic et d’élégance, même les épisodes douloureux. Elle a eu des fêlures à des moments où elle était le plus adulée, comme à la cérémonie des oscars. Elle était extrêmement glamour, sans n’avoir jamais joué sur la sensualité, à l’inverse de Marilyn Monroe. Audrey est un personnage intemporel, qui parle à tout le monde. Elle était très libre dans ses choix amoureux, vestimentaires, de films, de vie et d’engagement. Mais c’était aussi quelqu’un de très discret et d’assez seule. Et la solitude est une émotion intéressante à chorégraphier.
Comment représente-t-on une vie en mouvements ?
Cette création est avant tout un biopic, car je ne voulais pas m’éloigner de l’univers du cinéma, mais il n’est pas monté de façon chronologique qui irait de sa naissance à sa mort. J’utilise un système de flashbacks à travers la mise en scène. Plusieurs interprètes incarnent Audrey selon les époques de sa vie. J’ai chorégraphié les sensibilités et les émotions d’Audrey. J’ai traité des drames de l’existence humaine : l’amour, la trahison et la mort qui ponctuent toutes nos vies. C’est un travail de contextualisation, d’interprétation et surtout un travail chorégraphique. On peut faire des créations avec du vocabulaire classique et avec des pointes, même avec un personnage très moderne comme Audrey l’était : son indépendance, sa conception de la féminité. Elle n’a jamais mis son corps en avant, elle s’habillait en pantalons et avait les cheveux courts
Quels moments de sa vie avez-vous sélectionnés ?
J’ai sélectionné des moments clés de sa vie qui permettent de comprendre toute la complexité d’Audrey, comme sa solitude ou la crainte de la perte amoureuse, qui remonte à son enfance quand son père l’a abandonné. Ce sont des moments importants de sa vie : un mélange d’images parlantes comme la scène de Breakfast at Tiffany’s où elle est dans sa robe noire ou de moments plus intimes que les gens ignorent et qu’ils découvriront lors du spectacle.
Quelles musiques avez-vous choisi pour accompagner votre ballet ?
Certaines musiques sont connues comme Moon River. il était impossible de pas les utiliser. Mais il y a aussi du Piaf et du Léo Ferret pour restituer sa vie à Paris pour ses films et sa carrière chez Givenchy. Il y a aussi des musiques plus exigeantes, comme les Valses nobles et sentimentales de Ravel qui vont traiter de moments intimes de la vie d’Audrey. Chaque musique est propre à un tableau de la vie d’Audrey et nous plonge dans un lieu et une époque.
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Vos sources d’inspirations ?
Il y a eu Audrey elle-même : sa façon de marcher, de jouer la comédie, de s’exprimer devant les journalistes ou de se tenir, qui déjà imposent un style de danse. Et après c’est quand même l’époque des années 50 et des comédies musicales de Broadway dans certaines chorégraphies d’attaques et de pas. Puis après il y a mon goût à moi de danse Balanchine et Maurice Béjart dans la théâtralité du ballet. Et puis les inspirations viennent aussi des danseurs et danseuses qui me proposent leur façon de bouger, leur façon d’être en incarnant leurs personnages. Ils me proposent des pas que je n’avais pas forcément imaginé. Les danseurs ont toujours raison car c’est eux qui dansent et qui ressentent.
Votre prochaine actualité ?
Ma prochaine création sera sur le personnage de Cléopâtre qui est une femme extrêmement moderne et déroutante, mais sans danses égyptiennes et sans pyramides ! L’histoire sera centrée sur la modernité du personnage et de ses émotions.