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3 Questions à… Lambert Wilson

ENTRETIEN – Lambert Wilson explore les voies et les voix, celles du théâtre et de la musique… parcourant et traversant les frontières. Il participera ainsi au Festival CLÀSSICAND au début du mois de juin, avec le harpiste Xavier de Maistre à l’Auditorium national d’Andorre. À cette occasion nous avons refait avec lui le grand débat « Prima la Musica » ou « le Parole », et lesquelles ?

Lambert Wilson, vous dirigez un festival, Les Millésimes de Tonnerre, vous chantez depuis de nombreuses années : qu’est-ce qui vous attire dans le chant ?

Ce que j’ai toujours envié aux musiciens (et que j’apprécie quand je chante), c’est l’immédiateté dans la réaction du public : la musique provoque des émotions qui ne passent pas par l’intellect. C’est un langage universel, compréhensible dans toutes les langues. Cette rapidité de communication est un peu une drogue. C’est addictif !

Retrouvez également notre présentation complète du Festival CLÀSSICAND (Classique à Andorre), du 25 mai au 9 juin 2024

Comment avez-vous construit votre rapport à la musique et à votre voix chantée ?

C’est quelque chose qui vient de l’enfance. La musique était très présente dans ma famille. Mon père adorait le jazz et jouait du saxophone, mon frère est devenu saxophoniste. J’ai fait un peu aussi moi-même de cet instrument, ainsi que du piano. La musique était ainsi pratiquée à la maison. Elle était d’une certaine manière plus présente à la maison que le théâtre, alors que mon père était acteur et Directeur d’un théâtre national. Il nous a enseigné le solfège et nous faisait lire des partitions symphoniques. J’ai ensuite fait des études de théâtre en Angleterre de 17 à 20 ans : j’ai continué à y travailler la musique car les anglais l’incorporent au cursus des acteurs. De retour en France en tant que jeune acteur, j’ai repris des cours de musique pour être prêt si on me demandait un jour de faire une comédie ou un film musical. Au passage, on a découvert que j’avais une voix de baryton, donc on m’a poussé : j’ai fait quelques tentatives, je me suis fait peur. J’ai fait des tours de chant, plutôt liés à la chanson et la comédie musicale, j’ai fait des comédies musicales au Châtelet et à Londres. Plus tard, pendant le Covid, j’ai repris des cours de chant parce que j’avais du temps. Je vais continuer dans les prochains mois à faire du chant dans des répertoires qui sont appropriés pour les acteurs. J’ai chanté des cantates de Bach il n’y a pas si longtemps : à mon grand regret, c’est un peu trop tard. Mais la musique est toujours présente. Elle a pris naturellement sa place : j’écoute de la musique classique tout le temps, à part le matin où je choisis de la pop pour faire du sport. D’ailleurs mes amis les plus proches sont des musiciens et pas des acteurs.

Pourquoi préférez-vous vous entourer de musiciens plutôt que d’acteurs ?

La nécessité pour les musiciens de passer des années d’apprentissage puis de continuer à devoir s’entrainer toute leur vie professionnelle les rend plus humbles, plus curieux. Il y a un caractère qui est imposé par le travail, qui est aussi un travail à plusieurs : le musicien travaille avec un chef d’orchestre, avec d’autres musiciens. Cela implique qu’ils sont moins égocentriques. Fréquenter les grands textes musicaux, avec la difficulté que cela implique, les oblige à rester à leur place. Même un pianiste est tenu par la partition :  il ne peut que se soumettre à ce qu’impose le compositeur. Plus généralement, il y a quelque chose de très joyeux dans la musique, que je ne retrouve pas dans mon métier d’acteur. Dans ce métier, on peut être promu grand soliste au cinéma sans ne rien savoir sur rien et sans avoir pratiqué quoi que ce soit : le cinéma mélange d’autres notions comme la jeunesse, la beauté, la mode ou le désir d’un créateur. L’acteur peut faire ce qu’il veut. On est encore plus confronté aux égos et à l’ignorance dans le cinéma, mais cela est vrai aussi au théâtre. Peut-être pas dans une compagnie comme la Comédie-Française, où ils sont toujours ensemble, avec de grands metteurs en scène, à fréquenter de grands textes : eux doivent arriver à la même sensation de fusion et de partage que des musiciens, à ceci près que l’acteur en scène peut subitement imposer un tempo différent de ce que souhaitait le metteur en scène (qui est l’équivalent du chef d’orchestre) et qui a été travaillé en répétition. Cela arrive régulièrement au théâtre mais ne peut pas se produire en musique classique : le musicien qui s’y risquerait condamnerait sa carrière. Il n’y a tout simplement pas la même discipline.

« J’écoute de la musique classique tout le temps »

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