DISQUE – Le contreténor Jakub Jozef Orlinski sort Beyond, son nouvel album avec l’ensemble baroque Il Pomo d’Oro. Ils y développent un programme éclectique de musique du dix-septième siècle, riche en découvertes.
Un siècle, 34 pistes
Cantates, Chansons, Madrigaux, parties instrumentales, airs et même scènes d’opéras : voilà tout ce que mêle savamment le nouvel album de Jakub Orlinski. Si la diversité tant des formes que des registres (comique, tragique, dansant…) est importante, tout n’en demeure pas moins très organisé, grâce au travail de Yannis François qui a élaboré le programme et avec qui Orlinski avait d’ailleurs déjà collaboré sur de précédents albums. On associe ainsi les morceaux thématiquement et musicalement que ce soit en suite ou en contrastes, par exemple : la cantate de Barbara Strozzi sur l’amant consolé vient juste après l’air di passacaglia Cosi mi disprezzate de Frescobaldi sur les tourments d’un amant bafoué. Des parties instrumentales scindent l’album en sous-parties, rappelant l’organisation d’un concert où l’on aménage en transitions quelques moments pour reposer la voix du soliste. Au fil d’un programme généreux de plus d’une heure et vingt minutes réparti en trente-quatre pistes, les formes baroques auxquelles se consacrent exclusivement l’album sont ainsi balayés.
Si l’on retrouve quelques tubes de l’époque dont le premier air d’Ottone (issu de l’Incoronazione di Poppea de Monteverdi), nombre de morceaux sont enregistrés pour la première fois et l’on retrouve des compositeurs encore tout à fait confidentiels en dehors des cercles d’aficionados du baroque. Le programme s’emploie notamment à nous faire découvrir Giovanni Cesare Netti (dont ce serait les premiers enregistrements de musique vocale) avec une scène entière d’opéra (La moglie del fratello) et deux autres airs d’un opéra différent (L’Adamiro).
L’album se présente dans une pochette cartonnée accompagné d’un petit livret contenant : de belles photos en noir et blanc avec effets et détails dorés d’Orlinski mais aussi des musiciens, les textes chantés (en italien non traduit), une mise en contexte par Yannis François de chacun des extraits ainsi qu’un court texte du musicologue italien Giovanni Tribizio sur Giovanni Cesare Netti (dont il a rassemblé les œuvres en catalogue). Ces deux derniers éléments sont par contre proposés en trois langues.
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Mystique rotative
L’ensemble Il Pomo d’Oro (avec qui Orlinski avait déjà collaboré sur ses précédents albums) délaie les notes avec articulation. Sa sensibilité audible dans les nuances de volumes et les variations de rythmes s’accorde avec celle d’Orlinski. Il s’adapte aux diverses formes et divers styles proposés. L’excellente prise de son lui fait également honneur, rendant fidèlement l’individualité de chaque instrument. La voix de Jakub Jozef Orlinski montre sa pureté dans les aigus, où elle rencontre harmoniquement, en symbiose, les notes de l’orchestre. Jakub Jozef Orlinski chante les airs avec précision et exécute les pirouettes les plus compliquées avec style et élégance, résistant au piège de l’emphase et gardant des forces pour des accentuations ponctuelles et pertinentes. Sa technique de souffle lui permet de tenir les notes tout y en apportant une légère complexité qui fait tout le charme de sa voix permettant à l’auditeur de s’y plonger et de s’échapper dans ses méandres passant ainsi Beyond l’intérieur de son appartement vers les magnificences d’un monde inconnu.
C’est pour qui ?
- Pour ceux qui recherchent un bon album avec orchestre consacré à la voix si particulière de contreténor
- Pour ceux qui veulent s’initier simplement à la première moitié moins connue de la période baroque
- Pour tous les fans de Jakub Jozef Orlinski (dont nous faisons bien sûr parti !).
Pourquoi on aime ?
- Parce qu’on y découvre foisons d’airs et compositeurs oubliés
- Pour la construction cohérente et variée du programme qui rend l’écoute limpide
- Pour les aigus aériens, tenus et complexes de la voix d’Orlinski dans laquelle on adore se perdre.