CONCERT – Dans le cadre de son cycle « Duels », la saison musicale du Musée de l’armée présente un concert de la Garde républicaine à voir par les oreilles, dans une salle de concert pas si obscure : la Cathédrale des Invalides. Moteur, et action !
Scène 1 – Extérieur – A l’aube
Pour démarrer ce programme de la saison musicale des Invalides qui appartient au cycle « Duels » (en lien avec l’exposition du même nom proposé par le Musée de l’armée), deux hommes s’avancent, comptent leur pas et s’asseyent à leur piano, l’œil étincelant : Frank Braley à jardin, fait face à Eric Le Sage à cour. Tels des écuyers, le chef de l’Orchestre de la Garde républicaine, François Boulanger, et Jean-François Durez viennent prendre position derrière eux. Chacun affute ses armes : un xylophone et un glockenspiel pour le premier, un vibraphone pour le second. Cinq claviers, bien peu tempérés, au total, donc.
Les hostilités sont lancées, avec Music for four Musicians de Karol Beffa, une vraie musique de film. On entend la brume matinale. Comme souvent au cinéma, les écuyers prennent vite le premier rôle, changeant régulièrement de baguettes pour varier les sonorités de leurs instruments. La musique dépeint la mélancolie des duettistes, tels des Lenski (dans Eugène Onéguine) sentant que leur fin peut être proche. L’excitation du combat monte peu à peu, par des rythmes chaloupés qui font monter l’adrénaline. Les quatre duettistes visent juste : les rythmes sont précis comme des lames de couteaux. Comme dans un combat d’épée, les inflexions se coordonnent, les mouvements sont agiles, les adversaires montrent leur dextérité. Un accelerando semble refléter les battements de cœur de ces gladiateurs musicaux.
Roméo vs. Juliette : le remake
Les pianistes changent de côté, les percussionnistes d’instrument : François Boulanger s’entoure du vibraphone et de timbales, Jean-François Durez se place à la batterie. D’une musique chaloupée à l’autre, le quatuor s’élance dans la Suite de West Side Story de Bernstein (qui dirigea une Grande Messe des morts de Berlioz in loco en 1975), où le spectateur reconnait les motifs musicaux du chef d’œuvre de la comédie musicale adaptée au cinéma et dont Spielberg a récemment sorti un remake. Dans ce nouveau duel, entre les Jets et les Sharks cette fois, pianistes comme percussionnistes jouent des pieds, à la fois pour battre le rythme et pour actionner les pédales (des pianos, de la grosse caisse et des cymbales, du vibraphone et des timbales). François Boulanger virevolte sur lui-même, frappant les timbales à mains nues pour réenchainer aussitôt au clavier, dont il utilise l’une de ses quatre baguettes pour gratter un Güiro.
Comme un plan séquence joué en une seule prise, la musique se dévoile, précise et riche : les mains des pianistes s’élancent dans une course poursuite, l’une derrière l’autre, tandis que l’amour nait entre Tony et Maria sous le son doux et planant du vibraphone, suivi chez les pianistes par un toucher subtile et tendre. Les antagonismes montent, le rythme s’accélère, la bagarre percute : l’énergie et la furie des protagonistes est rendue par les instrumentistes avec un calme et une maîtrise totale. Un rythme jazzy s’installe : à la batterie, le ballet des balais qui frottent la peau de la caisse-claire, résonne comme un appel au calme.
Caméo
Place à la grande scène de bataille : c’est littéralement une armée qui prend place sur scène. Celle de l’Orchestre de la Garde Républicaine dont les musiciens sont tous officiers de gendarmerie. Le Colonel François Boulanger, le bien nommé, troque ses baguettes de percussion pour une baguette de chef d’orchestre, changeant de casquette (ou plutôt de képi) avec naturel. Paré au combat, la pointe au clair, il réclame l’attention de son orchestre comme un escrimeur prêt à fendre, puis livre une battue carrée et militaire. C’est cette fois l’Ouverture de Candide qui démarre, comme un grand éclat de rire aux élans filmogéniques, avec ses arpèges à la harpe et ses vents dont le son tourbillonne sous les voûtes de la Cathédrale.
Audiodescription
Viennent alors des Suites pour orchestre extraites de Roméo et Juliette de Prokofiev, à commencer par la Danse des chevaliers (qui sert de jingle à l’émission Passion Classique d’Olivier Bellamy sur Radio Classique). Là encore, la musique donne à voir l’intrigue. L’amour flotte dans ces suites au son de la flûte, avant que les violons n’y livrent un duel d’archets aux violoncelles, donnant lieu à une explosion orchestrale, au rythme du tambour, sous les drapeaux tricolores flottant de part et d’autre.
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Clap de fin
Alors que les dernières notes ont résonné, la programmatrice Christine Helfrich prend la parole pour remercier le chef François Boulanger qui quitte le générique après 28 ans à la tête de l’Orchestre de la Garde (une petite annonce avait même été publiée en janvier). Ovationné, ce dernier salue le public à plusieurs reprises avant de quitter le pupitre, une dernière fois.